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radicaux ou parties composantes, et, reconnaissant le sens de chacune de ces parties, elle nous permet de concevoir coin ment l’esprit humain a procédé pour passer des significations simples et primitives aux significations dérivées et complexes. » C’est à peu près le sens grec du mot, qui indique bien l’objet que se proposaient les premiers étymologistes, comme Platon : ils croyaient, en analysant un mot, pouvoir arriver à le résoudre en des élémens qui offriraient un sens conforme aux rapports de l’esprit humain avec la nature même des choses. C’est une ambition qu’on n’a plus guère après vingt siècles de spéculations et de recherches. On entend aujourd’hui couramment par étymologie l’assignation d’un mot d’une langue à un mot d’une autre langue d’où il est censé provenir. Littré distingue l’étymologie primaire, « quand il s’agit d’une langue à laquelle, historiquement, on ne connaît point de mère, » et l’étymologie secondaire, « quand il s’agit d’une langue historiquement dérivée d’une autre. Ainsi l’étymologie romane, et, en particulier, française, est secondaire, remontant pour la plupart des mots au latin, à l’allemand, au grec, etc. ; puis l’étymologie latine, ou grecque, ou allemande, est primaire. » Il y a là une double erreur qu’on ne pouvait guère éviter de son temps. La langue française n’est pas « fille » de la langue latine, et à vrai dire il n’y a pas de « langues filles » et de « langues mères. » Le français, comme je l’ai déjà dit, n’est que le latin parlé, sans aucune solution de continuité, ni rien qui ressemble à la génération d’un individu par un autre. Quand un mot appartenant au vocabulaire du latin parlé a passé jusqu’à nous par une tradition orale ininterrompue, le ramener à sa forme latine n’est pas en faire à proprement parler l’étymologie, c’est remonter plus haut dans l’histoire de l’évolution qu’il a décrite. Il n’y a aucune différence de relation entre les états successifs d’un mot comme consutura, cosutura, costura, costure, cousture, couture : aucun n’est l’étymologie de l’autre ; tous sont des momens dans une évolution qui consiste éminemment ici — comme il arrive le plus souvent — en une réduction constante. D’autre part l’étymologie « primaire » ne diffère de l’étymologie « secondaire » qu’en ce qu’elle manque de documens (et celle-là aussi en manque souvent). Disposant de moyens beaucoup moins sûrs, elle arrive à retrouver ou à conjecturer des formes d’un mot latin, grec, etc., plus anciennes que celles qui nous ont été conservées. Elle peut aller plus loin, et les ramener