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des lexiques grecs-latins et latins-grecs : on en lit, en effet, quelques-uns, mais ils sont très incomplets et d’une époque relativement moderne : on apprenait le grec par l’enseignement oral des pédagogues, par le commerce avec les Grèves, par les voyages en Grèce.

Le moyen âge occidental se trouva, pour tout ce qui touchait à la vie intellectuelle, dans une position nouvelle et singulière. Le latin était la langue de toute instruction : on le parlait dans l’Eglise et dans tout ce qui se rattachait à elle, c’est-à-dire dans toutes les professions que nous appelons libérales ; les idiomes « vulgaires, » soit qu’ils fussent le développement naturel du latin parlé, soit qu’ils fussent d’origine non latine (germanique, celtique, slave, magyare), servaient uniquement à la vie pratique et à une littérature dédaignée des « clercs. » L’idée d’en recueillir les mots ne vint pendant longtemps à personne. On s’attendrait du moins à trouver alors des dictionnaires latins où les mots seraient expliqués par leurs correspondans vulgaires. Nous ne nous représentons pas aujourd’hui l’étude d’une langue, surtout d’une langue morte, sans l’aide d’un dictionnaire. Le moyen âge toutefois s’en passa longtemps. Les enfans apprenaient le latin, à force de coups, en le parlant, en le lisant, en s’essayant à l’écrire. On possédait des recueils de mots difficiles pris dans la Bible ou dans les auteurs, et quelques-uns sont très précieux pour la philologie, en ce qu’ils donnent la traduction des mots latins soit en « roman, » soit en allemand ou en anglais. Il en est qui remontent au VIIIe siècle.

Ces recueils, pour nous en tenir à la France, s’amplifièrent peu à peu, et dès le XIVe siècle, on composa des dictionaria, (le mot est du temps), où furent entassés sans aucun choix les mots latins de toute provenance, de toute époque, de toute qualité, depuis les archaïsmes repris aux anciens glossateurs jusqu’aux fabrications les plus barbares du latin médiéval, langue qui vivait à sa manière et se permettait sans scrupule les formations et les adaptations qui répondaient à ses multiples besoins. Ces dictionnaires, dont quelques-uns furent imprimés au XVe siècle, sont importans pour la connaissance et du bas latin et du français. On a aussi, de l’extrême fin du moyen âge, quelques essais, mais très pauvres, de vocabulaires français-latins.