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a approuvé sa conduite. Pourquoi ne pas dire cependant qu’on a été un peu étonné chez nous, et sans doute aussi ailleurs, qu’après avoir montré tant de longanimité à la Porte dans des affaires plus graves, ce soit à l’occasion d’intérêts privés, quelque sérieux qu’ils soient, que nous en soyons venus à une rupture ? L’opinion s’est enflammée autrefois pour d’autres causes ; elle ne s’est pas encore très échauffée pour celle-ci. On s’est contenté d’approuver notre attitude. Elle a même été approuvée en Angleterre et dans toute l’Europe, sauf en Allemagne, tout autant que chez nous ; et cette approbation unanime, qui paraît être encore plus une excitation qu’un encouragement, nous rassure plus sur notre droit que sur la manière dont nous l’avons défendu. L’Allemagne seule se tait : mais elle est engagée si à fond avec le sultan, elle lui rend et elle en reçoit tant de services, elle exerce sur lui une tutelle si bienveillante, et elle en est si largement récompensée, que son silence est en quelque sorte commandé par sa situation.

Il s’agit de trois ou quatre affaires dont la plus importante est celle de la Société des quais de Constantinople. Les autres se rapportent à certaines créances que la Porte a négligé de payer depuis longtemps, les créances Lorando et Tubini. Quant à la Société des quais, ayant obtenu il y a quelques années une concession à cet effet, elle a construit des quais à Constantinople. Les difficultés ont commencé lorsque, les quais étant construits, elle a voulu les exploiter. Ces difficultés ont été incessantes et ont porté sur les points les plus divers. La mauvaise volonté, ou plutôt la malveillance du gouvernement ottoman, sont devenues bientôt évidentes, et, par un contre-coup inévitable, l’affaire, à son tour, est devenue moins bonne qu’elle n’aurait dû l’être, et qu’elle ne l’aurait été, si la Porte avait exécuté ses engagemens avec plus de loyauté. Il n’y avait que deux moyens de sortir de là, et la Société a laissé au gouvernement ottoman le choix entre l’un ou l’autre : ou bien rendre à la Société le plein exercice de ses droits, ou bien lui racheter sa concession.

Le gouvernement ottoman a incliné vers la seconde solution : c’était probablement celle qui convenait aussi le mieux à la société. Qui la garantirait, en effet, quand même le gouvernement lui rendrait l’exercice de ses droits, contre un nouveau caprice, de nouvelles entraves, de nouvelles spoliations, toujours à craindre de la part de la Porte et du sultan ? Donc, le gouvernement devait racheter. On avait débattu le prix ; on s’était mis d’accord, où à peu près. M. Constans a voulu en finir une fois pour toutes avec toutes ces