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aux abords de la mairie, qu’il guette. Tapi dans l’ombre aux jours tranquilles, il surgit aux heures troubles, se saisit du pouvoir local, terrorise les victimes qu’il a marquées ; toujours redoutable et supérieur à ses légers adversaires par l’absence de scrupules, la suite dans son dessein, la méchanceté froide, la passion de dominer qui est le mobile de chacun de ses actes. Pour la satisfaire, il obéit passivement à ses suzerains, les jacobins des grands centres et de la capitale. Il connaît la force de l’association, il est le seul Français qui ait encore le sens de l’autorité ; disons mieux, le sens et le goût de la féodalité. Il a rétabli à son profit, sous d’autres formes, cette féodalité tyrannique et rapace dont l’odieux souvenir, exploité par lui, l’a si bien servi pour en fonder une nouvelle.

Celui qui opérait à Coulommiers savait déjà toutes les rubriques du métier. Il attisa les petites rancunes entre les deux sociétés, se créa des partisans, les introduisit dans le conseil de la commune ; il en fit patiemment le siège et fut élu maire au mois de novembre 1790. Une fois installé dans ce fort, il entama la lutte contre le curé constitutionnel, M. Le Bas.

Voici encore un fait qui dérange beaucoup d’idées reçues : ce curé assermenté faisait hou ménage avec ses paroissiens, pourtant très fervens. La population de Coulommiers demeura fortement attachée à sa religion. Au plus fort de la Terreur, les pratiques pieuses étaient très suivies, les cérémonies du culte célébrées avec éclat. En juin 1793, « la procession de la Fête-Dieu se fait avec une pompe et un déploiement extraordinaires dans la circonstance critique où nous nous trouvons. » Les corps constitués, la municipalité, le tribunal y assistent. Quand les briseurs de croix vinrent travailler dans la ville, ils furent battus et chassés par les femmes d’une confrérie, qui s’appelaient les Saintes-Femmes. Ces émeutes religieuses méritèrent à la contrée le nom de Petite Vendée. Cependant, la piété des Saintes-Femmes s’accommodait fort bien d’un prêtre jureur, en communion de sentimens avec ses ouailles. Il y avait dans le voisinage deux prêtres réfractaires, l’abbé Leuillot et l’abbé Cagnyé : ce dernier donnait des leçons aux enfans de Mme de Marolles. Le prêtre jureur et les deux réfractaires devaient aller à l’échafaud dans la même charrette.

Retournons en arrière. L’église paroissiale servait alors aux assemblées communales. Le maire Le Roy disputait au curé Le