Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a qu’une quarantaine de mètres. Malgré les chasses exécutées dans le chenal, l’avant-port est souvent envahi par les dépôts ; et il faut le recreuser souvent à bras d’hommes, si l’on veut maintenir une profondeur suffisante pour des navires d’un tonnage moyen.

Saint-Valery a eu, au XIIIe siècle, une plus grande activité que de nos jours. Il comprenait alors deux quartiers très distincts, la ville et le port, qu’on appelait Port-Navarre ou Navaille, le premier sur la rive droite du vallon, autour de l’ancien prieuré fondé au VIIe siècle par le moine Valéry, le second sur la rive gauche, où les pêcheurs halaient leurs bateaux. Dans ce monde où presque toujours, suivant l’expression de Montaigne, « le mal de l’un est le profit de l’autre, » la tempête de 1753, qui détruisit complètement Veules, fut pour Saint-Valéry une cause de fortune. Un grand nombre de pêcheurs de Veules vinrent s’y réfugier et y occupèrent toute la plage de l’Est, où on les tenait un peu à l’écart dans un quartier qui était une sorte de ghetto et qu’on appelle encore « la Bohême. » Le petit port normand ne comptait pas alors moins de 40 navires de 100 à 200 tonneaux, qui y étaient spécialement attachés et avaient des relations de cabotage avec tous les ports voisins. La pêche y était en outre très active.

Fécamp a aujourd’hui à peu près supplanté Saint-Valéry comme port de débouché et centre d’approvisionnement des produits du pays de Caux. La pêche même y est un peu délaissée. Le mouvement commercial est encore cependant de près de 10 000 tonnes, presque tout en importations de bois du Nord, de charbons anglais et de grains pour l’alimentation des moulins de Veules. Quelques exportations seulement sous forme de lest, de marne et de galet noir pour la fabrication de la porcelaine dans de grandes usines anglaises. Près de 300 marins, montés sur une quinzaine de bateaux, partent encore chaque année de Saint-Valery pour Terre-Neuve ou l’Islande. Plus que le commerce, la pêche et des bains de mer très fréquentés sont les principaux intérêts du pays.


III

C’est en réalité Dieppe qui est le vrai port de la région des falaises. La grande valleuse qui débouche à Dieppe n’est pas une