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« pouliers » les ont envahis ; ce sont aujourd’hui des grèves d’échouage assez inhospitalières, et les pêcheurs les ont presque toutes abandonnées ; mais la vogue des bains de mer leur a donné une seconde vie, et ce sont en général de charmantes villégiatures loin du bruit et des agitations du monde. Elles méritent surtout d’être recherchées par les gens paisibles, et elles le sont en effet. On peut citer entre autres, avant d’arriver à Saint-Valery-en-Caux, les plages de Saint-Pierre-en-Port, des Grandes-Dalles, des Petites-Dalles, de Veulettes, toutes encadrées de magnifiques falaises, à l’entrée de petits vallons verdoyans qui ont été jadis des fiords, tous barrés aujourd’hui par leur digue de galets, au-devant de laquelle l’estran découvre à mer basse une large plage de sable.

Le dernier même, Veulettes, paraît avoir eu jadis une certaine importance. Il a, comme la ville d’Ys, sa petite légende dramatique. Une véritable ville y aurait prospéré à l’embouchure de la rivière de la Durdent ; entraînée ensuite avec la falaise par quelque terrible raz de marée, elle serait aujourd’hui ensevelie sous le sable. Les archéologues finiront très certainement par en retrouver quelque jour les ruines et les décriront dans tous leurs détails. Déjà même, avec un peu de bonne volonté, on croit apercevoir, à marée basse, lorsque la mer est calme et le ciel très pur, quelques bancs de roche qu’on se plaît à considérer comme des fragmens d’une enceinte. Ce qu’il y a de plus certain, c’est qu’au moyen âge il existait dans la petite anse de Veulettes un port assez fréquenté qui portait le nom peu engageant de Claquedent et qui a été complètement détruit par les tempêtes.

De l’autre côté de Saint-Valéry, en remontant vers le Nord, Veules est une station balnéaire de jour en jour plus élégante, à l’entrée d’une des plus séduisantes valleuses de la côte normande. Sa petite rivière fait mouvoir un certain nombre d’usines et de moulins très pittoresques ; son eau est d’une limpidité merveilleuse, et les fraîches cressonnières de sa source toute voisine sont renommées. Tout y est devenu pastoral et un peu mondain. Veules a été, il y a deux siècles à peine, un port de pêche assez important, dont la petite marine comptait encore en 1664 plus de trente bateaux, les deux tiers armés pour la pêche du hareng. À grand renfort de bras, on déblayait le port après chaque coup de mer, et on y entretenait une profondeur suffisante. Malheureusement, la tempête terrible qui s’abattit sur la