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et qui rappelle sans doute le roulis de son bateau, mais trop souvent, hélas ! l’ivresse alcoolique et le séjour prolongé dans tous les cabarets du pays ; — et tout autour, dans les églises et les chapelles voisines, et, tout en haut, à chaque station du calvaire qui gravit la côte et qui domine l’immense horizon de mer derrière lequel tous les hommes jeunes et forts vont bientôt disparaître, d’interminables théories de veuves dont les coiffes et les châles noirs rappellent des deuils quelquefois récens ; — et un peu partout, aux portes des maisons, à l’intérieur des plus modestes chambres, au coin des rues, de pauvres petites madones en métal, en biscuit, en plâtre, fixées sur une planchette ou dans une niche, avec de petits bouquets de fleurs soigneusement renouvelées, quelques rubans un peu défraîchis, ou bien un chapelet, une croix, un portrait à moitié, effacé ; — et des murmures de prières pour ceux que la mer, la grande nourricière, mais aussi la grande dévorante, a déjà pris et garde toujours, pour ceux qu’elle emporte aujourd’hui et qu’elle ne rendra peut-être jamais.

Comme la plupart des ports de la côte normande, Fécamp est devenu une station très fréquentée par les baigneurs. La ville s’étend sur près de 3 kilomètres dans l’intérieur de la vallée où les eaux des deux rivières font mouvoir de très importantes filatures. L’activité industrielle et maritime y est aussi grande que peut le permettre le redoutable voisinage du Havre, de Dieppe et de Rouen. Fécamp restera donc toujours un port secondaire ; mais la pêche lointaine y assure un mouvement régulier d’échanges avec l’étranger et y entretient dans la population maritime les qualités spéciales qui font le tempérament des hommes de mer. À ce titre surtout, on ne peut qu’approuver les travaux considérables dont il a été l’objet dans ces dernières années.


II

De Fécamp à Dieppe, toujours la falaise, et, au-devant, la mer grise, charriant son éternelle traînée de galets. Toutes les issues des valleuses se sont à peu près comblées. La limite du rivage paraît avoir reculé de 3 à 5 kilomètres depuis l’origine de notre période géologique. Il y a deux ou trois siècles à peine, plusieurs anfractuosités de la roche formaient encore de petits havres naturels où venaient se réfugier un certain nombre de bateaux. Les