Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en maintenant toujours en saillie assez prononcée les jetées de l’Ouest, contre lesquelles viennent surtout battre les vagues et s’accumuler les galets qu’elles ont charriés.

Bien que les travaux qui assurent l’entrée de Fécamp soient tout à fait modernes, le port a de tout temps été exceptionnellement fréquenté. On y a trouvé des débris de l’époque gallo-romaine ; et l’origine de son nom, — Fiscanum, Fiscan, — paraît, d’après les étymologistes, dont il faut cependant se méfier toujours un peu, rappeler un vocable celtique. Quelques antiquaires affirment même que Fécamp aurait été, pendant quelques années, le siège du préfet romain de la province de Bretagne ; mais, à la vérité, les souvenirs historiques un peu précis datent seulement de la fin de la première race de nos rois. Fécamp était alors la demeure principale des comtes du pays de Caux, presque toujours en armes pour défendre les rivages de la Neustrie contre les invasions des hommes du Nord. C’est à cette époque que remonte la légende du bateau mystérieux qui y aurait apporté quelques gouttes du sang du Christ. La croyance populaire au Précieux Sang du Sauveur fit la fortune du pays. Saint Waneng ou Waninge y érigea, pour la conservation et l’adoration de l’insigne relique, un premier monastère de femmes. L’abbaye primitive fut détruite de fond en comble par les pirates, vers le milieu du IXe siècle ; mais elle ne tarda pas à renaître et se transforma ; et, pendant toute la période du moyen âge jusqu’à la Révolution, les abbés de Fécamp furent les seigneurs spirituels et temporels de la ville et de tout le pays de Caux. Il ne reste plus aujourd’hui de ce passé brillant qu’une assez belle église qui conserve le nom d’abbaye de la Trinité et quelques grands bâtimens « désaffectés »[1].

Placé entre Dieppe et le Havre, le port de Fécamp ne saurait avoir une importance commerciale considérable. Il présente cependant un outillage complet. Le chenal d’entrée, d’une longueur de 300 mètres et d’une largeur de 70 mètres, est maintenu entre deux belles jetées en maçonnerie. Des estacades à claire-voie le prolongent et permettent aux lames de se répandre en dehors des jetées et de venir se briser sur de larges plans inclinés de manière à donner un peu de calme dans l’avant-port. Cet avant-port a près de 5 hectares et communique avec deux

  1. Fallue, Histoire de la ville et de l’abbaye de Fécamp. — Le Roux de Lincy, Essai historique sur l’abbaye de Fécamp.