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combinés avec eux. Avec les œuvres symphoniques d’aujourd’hui, où certains instrumens répondent à certaines voix, il faut rapprocher les voix de ces instrumens. La distance est telle, de la « cour » au « jardin, » qu’ils ne s’accorderaient pas s’ils étaient placés à l’extrémité opposée de la scène.

M. Gailhard établit minutieusement, par avance, les évolutions de ces masses sur du grand papier à dessin, dont un acte seul emploie vingt feuillets. Au-dessous des indications écrites est le « topo, » l’aspect des emplacemens occupés chaque fois par ce bataillon de choristes. Des croix rouges représentent les ténors, des ronds bleus figurent les sopranos, des étoiles noires signifient les basses, etc. Une fois les rôles appris et le plan arrêté, on exécute les manœuvres d’ensemble, avec les comparses et le ballet. Les décors sont à moitié posés, sans souci des « découvertes. » Un gros bâton à la main, le directeur tape à coups redoublés pour imposer silence : « Inclinez-vous devant le pontife ; plus que ça ; la main à l’épaule… » Le pontife est en complet gris, sous un vague dais de roses, lequel est porté par un monsieur coiffé d’un chapeau melon et par trois jeunes trottins. Un finale pathétique est interrompu par cette observation : « Messieurs les premiers ténors, je vous demanderai de chanter un peu plus piano, et vous, messieurs les basses, un peu plus lourré, marquez l’harmonie. » Les danseuses prennent-elles part à l’action, les unes en costume de ville, les autres en demi-maillot, leur chef hiérarchique surveille les pas, tandis que M. Gailhard s’attache aux attitudes, à la mimique du rôle : « Mesdemoiselles les premiers sujets, regardez la Reine ; regardez bien, vous la voyez hésitante : va-t-elle donner le breuvage à Hercule ?… Les têtes en avant… Regardez si le breuvage fait son effet… » — « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, compte en même temps, à haute voix, le maître de ballet ; allons ! les coryphées, les mains en ailes, c’est si joli ; les coudes en dedans… Vous laissez beaucoup trop de place vide, ne vous serrez pas tant. » Et, s’adressant à un groupe qui semble répéter avec nonchalance : « Il y en a qui ne ploient pas sur le cou-de-pied, je les ferai revenir seules demain. » La bacchanale touche à sa fin : « Buvez, mesdames qui sont là-bas couchées, achevez de vous griser. » — « Reprenez cinq mesures plus haut, » dit le baryton, qui s’éponge le front avec son mouchoir ; et l’on recommence…

L’œuvre chantée est de toutes, pour un homme du métier, la