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Cette fois, on a fait usage de tampadari, c’est-à-dire de bougies protégées par des verres. C’est une vraie trouvaille ; jamais, de l’avis unanime des personnes qui m’entourent, la macchina n’a paru aussi belle. Il est juste, d’ailleurs, de reconnaître qu’elle a été construite avec un goût parfait. Il y a longtemps que l’on a condamné le genre baroque, jadis en honneur. Un certain Angelo Papini (son nom a été soigneusement conservé) est l’inventeur du style qui a prévalu ; c’est encore un membre de cette famille qui a dessiné le modèle de la macchina de 1900.

Tandis que je recueille ces renseignemens, le cortège a repris sa marche. La macchina grandit maintenant à vue d’œil. Elle s’avance précédée et suivie de carabiniers chargés de maintenir la foule à distance. Les colonnes, les frises, les frontons qui décorent l’édifice ambulant apparaissent tour à tour ; la statue irradiée de la sainte resplendit dans une auréole de feu. C’est merveille de voir la géante avancer avec ce léger balancement rythmique propre aux contadine romaines portant un fardeau sur la tête. Voici les facchini tout de blanc vêtus ; on distingue aisément la première file, qui se meut avec une régularité en quelque manière automatique. Ils ont les bras croisés sur les épaules. A leur démarche, à la façon de lancer les jambes en avant, on devine qu’ils ont à supporter un poids énorme. Arrivés au milieu de la place du Plébiscite, ils s’arrêtent une seconde fois, tandis que des acclamations enthousiastes éclatent de tous côtés. Le peuple de Viterbe est justement fier du tour de force que ses enfans accomplissent chaque année depuis plusieurs siècles. Quant aux gens des environs, ils ne se lassent pas d’assister à un spectacle qui, à leurs yeux, tient tant soit peu du prodige.

A peine les facchini ont-ils repris position, qu’ils exécutent sur place une évolution savante. Le chemin qu’ils ont désormais à parcourir ne cessant de monter, il convient que les plus petits d’entre eux occupent les premiers rangs. La macchina reprend triomphalement sa marche : elle s’engouffre dans le corso. Quittant furtivement le palais communal, nous nous lançons à sa poursuite, au milieu du flot de populaire que contient la phalange serrée des carabiniers royaux. Nous la rejoignons au moment où, atteignant la salita de Santa Rosa, les porteurs font une nouvelle pause, — la dernière.

Le trajet qui reste à effectuer est assez court, une centaine