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gorge jusqu’aux habitués. La masse lumineuse, soulevée par ces fortes épaules, oscille une minute sur sa base mobile, puis graduellement, elle reprend son assiette. Aussitôt, on se met en marche.

Le cortège, parti de la Porte romaine, s’arrête plusieurs fois, avant d’atteindre la place de Santa Rosa. C’est un parcours d’environ un kilomètre. La place du Plébiscite est à peu près à moitié chemin entre les deux points extrêmes.

Il existe au palais de la Commune une fenêtre, une seule, d’où le regard enfile la via Cavour par laquelle la macchina doit passer. C’est le meilleur des postes d’observation. Le syndic de Viterbe m’ayant invité à passer la soirée chez lui, c’est là que je me trouvai, le 3 septembre dernier, avec mes compagnons de voyage et quelques Romains de distinction, parmi lesquels je me permettrai de citer la princesse Ruspoli et ses charmantes filles. La nuit était tombée. La place, au-dessous de nous, regorgeait de curieux. Tout à coup le campanone, — le bourdon de Viterbe, — fit entendre sa note grave, marquant ainsi que le cortège avait quitté la Porte romaine. Dès lors, nos lorgnettes ne quittent plus la via Cavour. Peu de temps après, en effet, les maisons du fond s’éclairent violemment : c’est la macchina qui annonce son approche par cette lueur révélatrice. La lueur augmente rapidement d’intensité ; puis, dans le lointain surgit une masse de feu, plus haute que les maisons environnantes. L’effet est inattendu, grandiose, saisissant ; un long murmure salue cette flamboyante apparition. Supposez le clocher de la Trinité à Paris, détaché de sa base ordinaire qui est l’église, et illuminé du haut en bas, descendant la rue des Martyrs, comme mû par un ressort invisible. Tel est le spectacle que j’avais sous les yeux.

En haut de la via Cavour, le cortège fait une courte halte. Nous en profitons pour examiner la macchina à l’aide de nos lorgnettes ; ses lignes architectoniques sont marquées par les feux, disposés avec un art consommé. Un de mes voisins m’explique qu’elle était autrefois éclairée par des lampions, mais il suffisait de la brise la plus légère pour en éteindre quelques-uns. En vue de parer à cet inconvénient, on a tour à tour essayé des lampes, des feux de bengale, de l’électricité. Les expériences échouèrent piteusement les unes après les autres. La lumière électrique produisit les effets les plus bizarres : on y renonça.