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s’ouvrir un lit permanent et ne s’écoule à la mer que d’une manière intermittente par un passage souterrain au-dessous du remblai des dépôts amoncelés ; ce sont encore et surtout les débris arrachés à la falaise elle-même par le heurt des vagues et transportés ensuite parallèlement à la côte par le flot de marée et le courant littoral.

Nous avons dit plus haut quelques mots du phénomène qui se produit sans interruption depuis l’origine de notre période géologique dans la baie de Seine, et qui tend à modifier et à déformer sans cesse toute la zone littorale du Cotentin et de la Normandie. C’est ici le lieu d’entrer dans quelques détails sur la destruction des falaises, qui en est une conséquence directe. Le flot de marée qui entre dans la Manche vient directement de l’Ouest, parallèlement à l’équateur ; il est attiré dans sa course par deux grandes dépressions de la surface marine que l’on a comparées quelquefois à deux vastes entonnoirs et qui sont, au Sud, la baie du Calvados, au Nord, le couloir du Pas de Calais ; et, au cours de sa marche, il s’épanche naturellement dans ces deux dépressions latérales et tend à les remplir. Mais la masse principale du courant de flot, qui passe devant la rade de Cherbourg, traverse directement toute la baie de Seine et va frapper le cap d’Antifer. C’est là qu’il se brise et se bifurque en deux branches, l’une qui descend vers l’embouchure de la Seine et pénètre dans l’avant-port du Havre, l’autre qui remonte vers le Nord bien au-delà de Dunkerque.

La blanche falaise calcaire de près de 100 mètres de hauteur et de 140 kilomètres de développement, qui se dresse comme un mur vertical en face de l’Océan, commence à la sortie même du Havre et se termine aux approches de l’embouchure de la Somme. Mais cette roche est loin de présenter une résistance durable à la morsure incessante des vagues ; et, depuis le jour où l’immense plateau qu’on appelle le pays de Caux est sorti du sein des eaux, à la suite des derniers soulèvemens qui ont donné à la surface de notre écorce le relief que nous lui voyons aujourd’hui, il ne cesse d’être assailli et rongé par la mer, et il se démolit un peu tous les jours.

Tout le monde sait que la falaise anglaise qui fait face à la falaise normande présente exactement la même structure minérale, le même aspect monumental, mais aussi la même friabilité ; qu’elle venait très certainement autrefois rejoindre la côte de