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heureusement encore à la Rochelle. On y faisait déboucher, au moyen d’une écluse très rudimentaire, les eaux emmagasinées de la Claire, de manière à combattre par des chasses l’envasement produit par les crues de la Seine et les apports de la mer. Cet expédient, et surtout l’énergie des habitans, qui ne craignaient pas de rester des journées entières dans l’eau à mi-corps pour ameublir et draguer les vases au prix des plus grands efforts pendant les basses marées, permettaient d’assurer d’une manière à peu près continue une profondeur suffisante ; et le port pouvait ainsi se maintenir toujours en pleine prospérité.

La ville était déjà entourée de remparts au XIIe siècle, et jamais fortification ne fut moins justifiée et plus imprudemment conçue. Dominée, en effet, de tous côtés par des collines dont il était assez facile de se rendre maître, elle était presque toujours destinée à succomber dès qu’elle était investie ; et, en fait, les Anglais l’ont occupée quatre fois, tantôt avec leurs seules forces, tantôt avec la complicité des protestans. Malgré les désastres de la guerre, les incendies, les ruines, les épreuves de toute sorte, Honfleur renaissait toujours de ses cendres ; et, pendant près de trois siècles, on a vu ce petit havre d’échouage, à moitié envasé, d’une superficie à peine égale à la moitié d’un de ses quatre bassins à flot modernes, entretenir des rapports constans avec l’Afrique et l’Amérique, le Canada et la côte de Guinée, les Indes et presque l’Extrême-Orient, sans compter les expéditions guerrières pour lesquelles il ne marchandait jamais le sang de ses marins et où son pavillon a toujours figuré avec honneur.

La décadence de Honfleur a été moins la conséquence de l’envasement de son port, contre lequel d’ailleurs on luttait à peu près victorieusement au moyen de chasses, de dragages et d’une main-d’œuvre très énergique, que de l’éclosion rapide et du développement prodigieux de l’opulente voisine qui lui fait face de l’autre côté de la baie de la Seine.

Le port actuel présente cependant un aménagement parfait aujourd’hui ; et, si les bassins modernes avaient existé il y a seulement un siècle, Honfleur aurait été alors très certainement le premier établissement maritime de la Manche. Il se compose d’un avant-port, de quatre bassins à flot et d’un immense bassin de retenue destiné à produire des chasses dans l’avant-port. Celui-ci a une superficie de quatre hectares, 800 mètres de quais, et se divise en trois compartimens : le petit port, très animé, dit