ouvertes à tous les genres d’excitation et totalement incapables d’en opérer le triage. Aux cellules cérébrales seules incombe le soin de cette délicate sélection.
Comparables aux fadeurs du télégraphe, les filets nerveux ont pour unique emploi de transporter les plis qu’on leur remet, tandis que l’agrégat central remplit l’office de destinataire. La cellule que touche la dépêche l’accepte ou la refuse à son gré, en brise ou non le cachet, la retient ou la transmet, — avec ou sans apostille, — à l’un ou l’autre de ses correspondans. Il se fait ainsi que certaines impressions parviennent du premier coup à leur véritable adresse, et que d’autres, en revanche, ont à parcourir de très nombreuses étapes avant d’atteindre leur destination dernière. Ceci paraît être le cas pour les vibrations douloureuses venues de la surface, car elles retardent constamment sur les perceptions tactiles. Alors que celles-ci requièrent 150 millièmes de seconde pour aboutir au siège de la conscience, il faut tout près d’une seconde (exactement 900 millièmes de seconde) pour que la douleur soit sentie. Ce record, — non de vitesse, mais de lenteur, — est même dépassé dans certaines affections de la moelle épinière, l’ataxie entre autres, où la transmission douloureuse s’opère plus paresseusement encore.
Quoi qu’il en soit du mécanisme de l’acte douloureux, on ne saurait nier qu’il n’exige, pour son accomplissement, une extrême complication du système nerveux. On doit s’attendre dès lors à voir la souffrance s’accroître, se perfectionner, si j’ose le dire, à mesure que s’élève le niveau de l’organisation. Il est de fait que de tous les êtres vivans, l’homme seul la ressent dans son entière plénitude.
A vrai dire, nul autre ; que lui ne possède la faculté de symboliser ses impressions : et l’on pourrait penser que celles de l’animal, pour être inexprimées, n’en sont pas moins cruelles.
Cependant, à en juger par la bénignité relative de ses réactions, le mal physique n’aurait jamais chez ce dernier l’acuité qu’il atteint parfois chez nous. J’ignore si, sous ce rapport, les singes anthropomorphes, nos plus proches parens, nous sont ou non de beaucoup inférieurs. Mais tous les vétérinaires vous diront que le cheval, — monture de choix ou bête de labour, — supporte avec une extrême facilité les plus graves lésions, se démenant à peine et consommant tranquillement sa provende pendant qu’on le soumet à des opérations chirurgicales.