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s’accordait à en donner le blâme à son Altesse Royale et à M. le Prince. Je ne leur en ai jamais parlé, et je suis bien aise de l’ignorer, parce que, s’ils avaient tort, je serais fâchée de le savoir ; et cette action m’a tant déplu, que j’aurais beaucoup de déplaisir que non seulement elle eût été faite, mais tolérée par des personnes qui me sont si proches… Cette affaire fut le coup de massue du parti. »

Au premier moment, M. le Prince sembla au contraire en être venu à ses fins. Profitant de la terreur qui était dans Paris et du départ de beaucoup d’hommes politiques, il avait fait, nommer par des débris de Parlement un gouvernement dont Gaston était le chef nominal, lui-même le généralissime, et il avait installé la révolution à l’Hôtel de ville avec Broussel pour prévôt des marchands. Le « coup de massue » rendit son pouvoir complètement illusoire. La conscience publique, très calleuse pourtant en matière de meurtres, s’était rebiffée contre le 4 Juillet, parce que c’était un guet-apens : c’était lâche. Elle condamna Condé et, aussitôt, le parti de Condé tomba en miettes. La fatigue de la guerre civile, déjà grande la veille du massacre, parut intolérable le lendemain, et le rideau acheva de se déchirer sur l’immense duperie qu’avait été la Fronde pour le pays. À part une poignée de parlementaires, patriotes et humanitaires avant la lettre, qui avaient rêvé bonheur public et liberté, et qui détestaient l’étranger, et encore plus ceux qui l’appelaient, quand donc avait-on pensé à la France ? Qui donc s’était jamais inquiété des souffrances du peuple ? Etait-ce par hasard la noblesse ? Ou les deux branches cadettes ? Qu’est-ce que cela faisait au laboureur réduit à se terrer dans les bois, au bourgeois dont les affaires étaient arrêtées depuis quatre ans, que Mme de La Rochefoucauld s’assît devant la reine ou que M. de Longueville gouvernât Pont-de-l’Arche ? La belle consolation pour eux, dans leur malheur, de savoir qu’il y avait près de Paris un camp en goguette, où « l’on ne voyait que collations et galanteries aux dames[1] ! »

Aucune de ces réflexions n’était neuve ; mais toutes avaient pris en quelques jours une force qui donna beau jeu aux agens de Mazarin[2]. Ce dernier eut la bonne grâce de lever les derniers scrupules des Parisiens en faisant semblant de

  1. Montglat.
  2. Voyez les Mémoires du Père Berthod.