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colique de Son Altesse Royale. » Un jour qu’en se mettant à plusieurs, on l’avait mené jusqu’à la Sainte-Chapelle, il tourna les talons et se sauva chez lui[1] avec la précipitation et les grimaces d’un client de M. Purgon. Mademoiselle se désolait. Le moyen de rien entreprendre ? La deuxième Fronde, celle « des Princes, » se prépara et s’engagea sous ses yeux sans qu’elle eût part à rien. Elle vit en simple spectatrice Mazarin entourer son adversaire de pièges savans et se rapprocher de la vieille Fronde, Condé marcher vers une sorte de dictature, les Parisiens allumer des feux de joie à la nouvelle de son arrestation (18 janvier), et un grand parti commandé par des femmes se lever pour lui dans la France entière. Elle assista dans l’inaction à l’apogée du pouvoir de son sexe dans notre pays. Mme de Longueville, réfugiée à l’étranger après des aventures retentissantes, avait signé un traité d’alliance contre la France avec le roi d’Espagne et le maréchal de Tu renne. On croit rêver. Mme de Chevreuse et la princesse Palatine étaient à Paris sur le pied d’hommes d’Etat consultés et obéis. Les duchesses de Montbazon et de Châtillon[2] avaient chacune leur sphère d’action où elles se rendaient redoutables. D’autres, à la douzaine et d’un bout à l’autre du royaume, s’ingéraient dans les affaires publiques. Il n’y avait pas jusqu’à la femme de Condé, cette petite princesse si effacée, ne comptant pour personne, pas même pour son mari, qui ne fût passée tout d’un coup au premier plan en soulevant Bordeaux. Cependant la Grande Mademoiselle se traînait par ordre derrière la cour, qui allait d’une province à l’autre étouffer les insurrections. Le seul temps utilement employé de toute cette période fut celui qu’elle passa à avoir la petite vérole si heureusement qu’elle en fut embellie : « Devant, j’étais fort couperosée,… et cela m’emporta tout. »

Le 4 juillet 1650, elle dut partir avec la cour, qui allait assiéger Bordeaux. Avant de se mettre en route, elle avait commis une action dont elle n’a garde de se vanter dans ses Mémoires. L’alliance de Mme de Longueville avec l’Espagne nous avait valu l’invasion de l’archiduc Léopold et de Turenne. Mademoiselle n’eut pas honte d’envoyer ses félicitations aux envahisseurs. Elle écrivit à l’archiduc : « Vos troupes sont plus capables de causer

  1. Journal de Dubuisson-Aubenay.
  2. Sur les intrigues de Mme de Châtillon, voyez La Jeunesse du maréchal de Luxembourg, par M. Pierre de Ségur.