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et aussi les instrumens d’exécution. Les sauterelles mâles frottent leurs élytres l’une contre l’autre, le gauche passant comme un archet sur la chanterelle formée par l’élytre droit. Chez les acridiens, c’est la cuisse de la dernière patte qui sert d’archet : l’animal fait vibrer ainsi alternativement l’une et l’autre élytre. Quatrième différence : les sauterelles ont quatre articles au tarse : les acridiens n’en ont que trois. Et, enfin, au point de vue qui nous intéresse, il y a des invasions de criquets ; il n’y en a point de sauterelles[1].


II

La famille des acridiens comprend un assez grand nombre de genres et d’espèces. En France seulement, M. Finot compte vingt-cinq genres différens et soixante-dix espèces. Mais il s’en faut que tous ces insectes soient nuisibles à l’agriculture. La plupart vivent dans les clairières des bois, dans les landes désertes, sur les genêts, les ajoncs et les bruyères ; le plus souvent ils demeurent cantonnés dans les endroits secs et arides des régions montagneuses ; plus rarement ils recherchent l’humidité et habitent les marécages stériles et incultes, les prairies, les gazons, les lisières herbues des taillis. Leur développement y reste toujours limité et leurs dégâts insignifians.

Mais, sous des influences particulières et encore mal connues, quelques-uns de ces acridiens prennent tout à coup une extension numérique excessive ; ils débordent de leur cantonnement originel sur les régions voisines qu’ils envahissent en troupes immenses et saccagent de fond en comble. Ce sont les espèces migratrices et dévastatrices. La plus comme est le criquet pèlerin (A. peregrinum), espèce nomade, venant par étapes du Centre africain, et se répandant dans les plaines et les vallons. Son développement ne peut subir d’interruption : il n’hiberne pas à l’état d’œuf. Au cours de l’histoire, il a exercé ses dévastations sur presque toutes les contrées de l’Afrique du Nord. C’est à lui, sans doute, qu’il convient de rapporter la neuvième plaie d’Egypte,

  1. Cette assertion est trop absolue. Il peut arriver, pour les sauterelles comme pour les criquets, quoique plus rarement, que leur multiplication soit telle, dans leur canton originel, qu’ils produisent des dégâts sur place. Il y a eu, en 1888, une invasion de sauterelles sur les arbrisseaux, les vignes et les chênes, d’Hyères et de Saint-Tropez, en Provence (Barbitistes et Ephippiger). Parmi les espèces qui dévastent actuellement les départemens du Sud-Ouest, il y a aussi beaucoup d’essaims de sauterelles véritables. Dans les envois adressés des régions contaminées à l’Institut agronomique de Paris, M. Marchal a trouvé, parfois, plus de locustides que d’acridiens.