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qu’au moyen âge la petite rivière débouchait en mer à trois kilomètres environ en amont, et qu’il existait du côté de Deauville une anse profonde de 200 à 300 hectares dans laquelle les bateaux de l’époque pouvaient venir mouiller. Plusieurs vaisseaux de Guillaume de Normandie y ont même séjourné quelque temps avant d’aller rallier dans la baie de la Somme le gros de la flotte qu’on avait armée à Dives. C’est là aussi que, trois cent cinquante ans plus tard, en 1417, vint atterrir la flotte d’Henri V, le quatorzième roi d’Angleterre, à qui la guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons rendit possible l’entrée en France et la conquête, presque sans coup férir, d’une partie de la Normandie. Depuis lors et jusqu’au commencement de notre siècle, Trouville et Deauville, presque oubliés, étaient restés d’assez pauvres villages de pêcheurs. Les marais de Deauville s’atterrissaient graduellement par les apports combinés de la rivière et de la mer ; et il ne fallut rien moins que la transformation subite de la plage à peu près déserte, sur laquelle on halait les barques à l’échouage, en station de bain fréquentée, pour éveiller l’attention des pouvoirs publics sur la convenance de rétablir à l’embouchure de la Touques le bon mouillage des temps passés. Les marais ont été complètement desséchés. La rivière qui y divaguait a été redressée ; un chenal régulier lui a été donné, et Trouville est devenu aujourd’hui un des meilleurs ports de la Manche. Il comprend d’abord un grand port d’échouage formé par le lit même de la Touques, d’une longueur de près d’un kilomètre et d’une largeur de 80 à 100 mètres au moment de la pleine mer et de 40 à 50 mètres en basses eaux : c’est le port des pêcheurs. À côté est établi un bassin à flot de 300 mètres de longueur et de 80 mètres de largeur, présentant une superficie de 2 hectares et demi, bordé de quais, couvert de rails et dans lequel les petits caboteurs peuvent venir faire toutes leurs opérations. Le bassin à flot et le port d’échouage se réunissent à l’aval dans un avant-port prolongé en mer par deux jetées en charpente. Ces aménagemens sont très bien conçus et permettent à Trouville d’avoir un mouvement commercial de près de 150 000 tonnes. Il faut y joindre aussi celui de la pêche, qui est toujours très active, et pendant trois mois de l’été le va-et-vient incessant des voyageurs qui s’embarquent pour Rouen et le Havre, suivant l’état de la mer, soit dans le port même ou l’avant-port de Trouville, soit sur la magnifique jetée-promenade enracinée après