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aux ouvriers ; par la brochure populaire, comme les trois Dialogues de maître Pierre avec François ; par la société Aide-toi, l’Association pour la Liberté de la presse, l’Association pour l’Instruction populaire, la société des Amis du peuple, la société des Droits de l’homme ; plus bas et plus en secret, par les Légions révolutionnaires, les Familles, les Phalanges démocratiques, les Saisons, la Société communiste et les Travailleurs égalitaires. Le grand soir approche, ou le grand matin. Depuis 1839, depuis qu’il a jeté dans la circulation son petit livre, l’Organisation du Travail, l’homme est là. Il a l’ambition, il a la flamme, il a la foi. Il vient à temps, il est de son temps. Il réunit, en sa personne menue, remuante, et comme tourmentée par un besoin de croissance et de dilatation, le charme et la fougue ; en sa doctrine, les deux pensées du siècle, l’organisation et l’association ; en sa méthode, les deux procédés, la prédication et l’action, le socialisme philosophique et le jacobinisme politique. Plus nettement et plus décidément que tous, il veut le Nombre pour avoir l’Etat, et l’Etat pour organiser le Travail. Dépouillées du prestige oratoire, les idées de Louis Blanc n’ont rien de bien neuf ni de bien original ; mais il a compris que « ne pas prendre le pouvoir pour instrument, c’est le rencontrer comme obstacle ; » et les circonstances font qu’il peut prendre le pouvoir pour instrument.

Les idées, dès lors, valent moins en elles-mêmes. Les faits sont aux trois quarts accomplis. Ce qu’il reste d’idées à développer et de faits à accomplir va désormais se développer et s’accomplir surtout par les lois. Par les lois, le Travail va emplir et accaparer l’État, dont le premier et le dernier mot est le Nombre.


CHARLES BENOIST.