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certainement aboutir aucune. En attendant, l’impôt sur le revenu est allé rejoindre dans le magasin des accessoires parlementaires, la loi sur les retraites ouvrières : et, pour que l’analogie fût plus complète, il a été convenu que, pendant les vacances, on ferait aussi sur cet objet de grandes enquêtes et des statistiques.

Les radicaux bon teint et les socialistes n’ont pas vu sans colère l’effondrement de toutes les lois qui leur tenaient le plus au cœur. Pour la première fois, ils se sont pris à douter comme nous-mêmes, mais avec des mouvemens beaucoup plus violens, de la sincérité du ministère. Ce ministère qui leur doit tout, qu’ils ont soutenu au prix de tant de sacrifices, qu’ils ont accablé de leur confiance et auquel ils ont départi toute la gloire dont ils disposent, ce ministère les trahirait-il ? Quelques-uns se sont posé la question avec cette brutalité, ce qui est assurément nouveau. D’autres plus indulgens, ou qui croient politique d’avoir encore l’air de l’être, se sont pourtant demandé si le ministère, après avoir vécu deux ans et avoir traversé tant d’heures difficiles, n’avait pas perdu quelque chose de sa force et de sa vertu premières : car tout s’use, même les combinaisons politiques les mieux imaginées. M. Jaurès est de ces derniers. On sait quel dévouement il a prodigué au ministère, au risque de compromettre sa popularité personnelle dans tant de congrès ! Est-ce que sa foi commencerait à chanceler ? « Il faudra, a-t-il écrit dans son journal, la Petite République, qu’à la rentrée, toute équivoque soit dissipée. Il y a des socialistes, des républicains, peut-être un peu nerveux, qui disent que le ministère est épuisé, que la politique pratiquée depuis deux ans est à bout, et que le gouvernement lui-même désire s’atténuer peu à peu en un vague ministère Sarrien… Pour moi, au risque de paraître dupe, je ne puis attribuer à M. Waldeck-Rousseau une conception aussi médiocre, une pensée aussi pauvre et aussi plate. Ce n’est pas comprendre cet homme que de le diminuer. Si le président du Conseil songeait à éliminer le parti socialiste de la majorité républicaine, s’il ne lui rendait pas possible d’y rester jusqu’au bout en toute dignité, il donnerait à une tentative hardie la conclusion la plus étriquée, la plus ridiculement mesquine. » Nous ne savons pas ce qu’en pense actuellement M. Waldeck-Rousseau, et encore moins ce qu’il en pensera dans trois mois : à l’inverse de M. Jaurès, nous n’avons aucune prétention à le bien comprendre. Toutefois, son attitude et celle de son gouvernement ont paru se modifier un peu dans ces derniers temps. Nous hésiterions à en croire nos impressions personnelles, si elles n’étaient pas confirmées par celles des socialistes, qui sont mieux