Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tous côtés à la morsure des vagues, rasées par des courans d’une violence exceptionnelle, tour à tour noyées par le flot et émergées de 7 à 8 mètres à basses eaux, ont naturellement éprouvé depuis les temps historiques bien des variations. Des criques profondes se sont creusées, des murailles entières de granit se sont effondrées sur plusieurs kilomètres, et leurs débris, incessamment remaniés par les vagues et les courans, balayés sur l’estuaire par les vents de tempête, ont peu à peu formé des dunes qui ont été pendant longtemps aussi instables que celles des Landes et de la Saintonge. Tout ou presque tout est fixé aujourd’hui. La tangue, que l’on recueille à marée basse sur la plage, a permis d’aménager le sol schisteux ; et, en lui donnant à discrétion le carbonate de chaux qui lui manquait, on a pu créer artificiellement, de distance en distance, de petites plaines basses d’une fertilité remarquable, qu’on désigne dans le pays sous le nom de « miellés. » Les mielles du Cotentin sont, en réalité, une conquête récente de l’homme moderne, qui a su très bien utiliser tous les élémens naturels de destruction de la côte, dont nos ancêtres ne paraissent pas avoir su tirer parti.

Comme la Bretagne, le Cotentin est dans son ensemble une presqu’île de granit. Comme elle, mais en moins grande abondance, elle a conservé ses monumens primitifs, dolmens et mégalithes, échelonnés en général à une assez faible distance de la côte. Le même peuple habitait très certainement, à l’époque celtique, le continent et l’archipel rocheux qui lui faisait face à une distance relativement assez rapprochée. La presqu’île se termine au Nord par deux pointes saillantes, le cap de la Hague à l’Ouest, le cap de Barfleur à l’Est. On dirait une tête armée de deux cornes. Entre ces deux éperons, et à peu près au milieu, la côte rocheuse présente une légère dépression ; c’est là que se trouvent aujourd’hui la digue et l’arsenal de Cherbourg.


IX

On peut lire un peu partout, — et c’était même l’opinion de Froissart, — que Cherbourg a été fondé par César au cours de ses campagnes en Gaule, et en vue de ses projets de descente sur les côtes de la Grande-Bretagne. Des étymologistes complaisans lui donnent même pour nom originaire Cæsaris burgus ; et on a quelquefois essayé de l’assimiler sans beaucoup de raison avec