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La falaise schisteuse sur laquelle est bâtie Granville rappellerait, si elle était éclairée par le magnifique soleil du Midi, le pittoresque rocher de Monaco. Elle se détache normalement à la côte comme un formidable éperon, s’avance au large exactement de l’Est à l’Ouest, et n’a pas moins de 1 200 mètres de saillie. Il est très probable que c’est quelque part à son pied ou sur le plateau que se trouvait le port ou la ville que Ptolémée désigne sous le nom d’ingena et qu’il donne pour chef-lieu de la tribu des Abricatui. La falaise protège d’une manière naturelle et presque parfaite la rade de Granville contre les vents du Nord. Il suffisait, pour obtenir un abri complet, de la défendre contre la houle et les vents qui viennent du côté de l’Ouest. C’est ce qu’on a fait. Une grande jetée artificielle a été enracinée presque à la tête de la falaise. Cette jetée monumentale est brisée en deux alignemens présentant ensemble un développement de 550 mètres. Une autre jetée rectiligne de longueur presque égale se détache de la base du rocher dans la direction du Nord au Sud, et l’espace enfermé entre ces deux ouvrages comprend un grand port d’échouage, un premier bassin à flot, et, à la suite, un bassin à flot supplémentaire, le tout relié au chemin de fer par une voie qui traverse la ville. Tout a été conquis sur la mer et parfaitement aménagé.

Bien que très rapprochés, les trois ports de Saint-Malo, de Saint-Servan et de Granville ont chacun une très grande animation. Le plus important, Saint-Malo, a un mouvement commercial de près de 300 000 tonnes, Granville plus de 60 000, Saint-Servan près de 50 000. Mais ce ne sont pas seulement des ports de commerce. Le dragage des huîtres, la pêche locale et la pêche lointaine y entretiennent, comme dans tous les ports bretons, une activité très variée et en font de grandes écoles pour les hommes de mer.

En face de Granville enfin, les deux caps de la Chaîne et du Gouin, qui marquent l’extrémité Ouest de la baie du Mont Saint-Michel, méritent une mention spéciale. C’est entre ces deux caps que se trouve Cancale, dont les deux rades offrent un excellent mouillage aux plus grands navires et dont le fond vaseux présente des conditions particulièrement favorables pour l’élevage de l’huître. Cette situation est exploitée avec le plus grand succès. L’approvisionnement du naissain et l’engraissement du savoureux mollusque sont une des grandes richesses du pays.