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plus souvent la transition d’un bassin à un autre se fait par degrés insensibles et sans qu’on puisse observer entre eux la moindre barrière apparente.

Il est presque impossible en effet de déterminer avec précision où commencent et où finissent l’Océan Indien, l’Océan Pacifique, l’Océan Équatorial et les deux immenses mers australe et boréale. Toutes ces grandes plaines d’eau se prolongent, se pénètrent, se fondent en quelque sorte les unes dans les autres ; et, sans sortir de l’horizon assez rapproché de notre Europe, on ne saurait tracer sans un peu d’arbitraire les lignes idéales qui séparent la mer Adriatique de la Méditerranée, ou le grand canal de la Manche de l’Océan Atlantique et de la Mer du Nord. Tout est donc fictif, variable et un peu conventionnel dans la détermination de ces limites, et aucune carte ne saurait indiquer bien rigoureusement la soudure de la plupart des golfes et des bras de mer avec les grands bassins dans lesquels ils débouchent et qui les alimentent.

La chaussée d’Ouessant, cependant, qui a fait de notre part l’objet d’une étude récente[1], peut être considérée comme l’extrême saillie de la « fin des terres » de la péninsule armoricaine ; et elle marque assez bien la limite séparative entre les deux mers qui la baignent, la Manche et l’Océan.

On sait qu’à l’origine de notre période géologique, la France et l’Angleterre étaient soudées par un large seuil enraciné, d’un côté à la pointe Nord-Ouest de notre Bretagne moderne, de l'autre à la presqu’île anglaise de Cornouailles. Un effondrement général s’est produit. La soudure s’est brisée, rompue, disloquée. Il n’en est resté que les amorces et des débris : au Nord, l’archipel des îles Scilly : au Sud, l’archipel d’Ouessant ; entre eux une longue traînée de bancs sous-marins, de grandes îles comme Jersey, Guernesey, Aurigny, toute une série d’îlots secondaires et des centaines, des milliers même d’écueils, de récifs, de platins, de rochers apparens ou cachés, semés un peu partout, ruines et en quelque sorte témoins de l’ancien littoral englouti et disparu.

Le développement de la côte bretonne, depuis le chenal du Four, en face d’Ouessant, jusqu’à la baie du Mont Saint-Michel où commence la presqu’île du Cotentin, ne mesure pas moins

  1. Voyez la Revue du 15 février 1900.