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vagues, non formulées, la première est un encouragement, la seconde une menace ; je crois aller au-devant de vos désirs en m’absentant. C’est le seul parti que j’aie à prendre. Je prouve ainsi que jamais je ne serai un obstacle ni un embarras pour vous et que je sais me sacrifier au besoin. Je viens donc demander à l’Empereur son agrément pour aller en Égypte avec ma femme. Si vous voulez. Sire, me donner votre consentement, notre départ sera très prochain, heureux si, par mon éloignement, je puis ôter tout prétexte aux récriminations, reproches et préventions que je soulève. Je ne dois pas faire d’allusions à la politique que Votre Majesté a évitée si soigneusement dans sa lettre. Vous comprendrez cependant, Sire, que sans vouloir deviner les secrets de votre politique à venir dans l’affaire de Pologne, je vienne vous exprimer un seul vœu, c’est que l’Empereur pense à me donner un commandement si la guerre a lieu, car en ne le faisant pas, ce serait me prouver qu’il n’y a plus de place pour moi dans l’Empire. Veuillez agréer, Sire, l’hommage du profond et respectueux attachement avec lequel je suis, de Votre Majesté, le très dévoué cousin (31 mars 1863). »

Si l’on avait connu cette correspondance, on n’eût plus douté dans les chancelleries de la sincérité de l’Empereur lorsqu’il affirmait que l’on ne devait pas juger sa politique sur les paroles de son cousin. Le vrai moyen de couper à court à cette fausse situation eût été d’interdire au prince, en vertu du pouvoir absolu d’un souverain sur les membres de sa famille, de prononcer des discours au Sénat ou ailleurs et de se mêler d’une façon quelconque des affaires de l’Etat, si ce n’est quand il en serait requis, et en des termes prescrits. Mais notre débonnaire Marc Aurèle n’était pas d’humeur à prendre ces mesures ; il se contenta d’approuver le départ pour l’Orient.


VIII


La démarche collective n’obtint pas plus de succès que n’en avaient eu les remontrances individuelles. Gortschacof l’amusa d’abord par des persiflages, finalement la déclina par un refus sec : « Une conférence entre les trois puissances co-partageantes pour assurer la sécurité de leurs possessions respectives, celle-là, la Russie l’acceptait : une conférence des huit puissances signataires du traité de Vienne pour dicter au Tsar les règles de son