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sine qua non de mon traité avec lui. Ta dotation ? On a droit de s’étonner que jamais tu ne reçoives et que jamais ton nom ne paraisse dans aucun acte de charité. Ton portefeuille de l’Algérie ? Tu me l’as un beau jour renvoyé à cause d’un article du Moniteur. Quant à tes discours au Sénat, ils n’ont jamais été pour mon gouvernement qu’un sérieux embarras… et tu te plains de ma conduite à ton égard ! On s’étonne bien plutôt que je tolère si longtemps dans un membre de ma famille une opposition qui alarme et jette l’hésitation parmi les partisans d’une même cause. Le Times disait naguère en parlant de toi que si un prince anglais suivait en Angleterre la même ligne de conduite que toi, il serait désavoué par l’opinion publique ; crois bien qu’en France, il en est de même, et que, sauf quelques flatteurs sans portéé, on désapprouve une attitude qui a tous les dehors de la rivalité. Ai-je cependant la prétention d’exiger que tes paroles soient l’écho fidèle de mes intentions et de mes pensées ? Non, mais ce que j’ai le droit d’exiger d’un prince de ma famille, c’est qu’en parlant devant le premier Corps de l’Etat, il cache, du moins quand cela existe, la divergence d’opinions sous la convenance des formes. Je n’admettrai jamais comme utile pour personne qu’on parle au Sénat comme dans un club, jetant l’injure à la tête de tout le monde et s’exprimant sans réserves comme si votre passé était irréprochable et comme si votre avenir ne commandait aucun ménagement. Dans ton dernier discours, tu as blessé toutes les bienséances. En citant mes écrits, tu as l’air de vouloir mettre mes actions en contradiction avec mes paroles ; en attaquant l’Empereur de Russie, même pour ses prévenances vis-à-vis de moi, tu m’as mis dans la position que si demain l’ambassadeur de Russie te faisait une impolitesse, je n’aurais aucun droit de m’en plaindre à son gouvernement ; en attaquant enfin personnellement mon ministre, tu as montré un manque de tact et une animosité qu’il est difficile d’excuser. Et après cela, tu trouves que ma lettre à Billault était un affront pour toi ! C’était bien cependant la réplique la plus douce et la plus honnête qu’on pût choisir. Maintenant que je t’ai dit ce que je pensais, il n’y a plus pour toi que deux lignes de conduite à suivre. Ou être ce que tu dois être, un soutien et un appui pour mon gouvernement, et alors je serai heureux de continuer à te donner des témoignages de mon ancienne amitié, ou bien faire cause à part en laissant un libre cours à la violence de tes opinions et, alors, il