Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les traités de 1815 comme Russell ? Non, on ne doit parler de ces traités à la tribune française que pour les maudire. » Il n’ajoutait pas, ce qui résultait clairement de ses explications, que le traité de 1815, c’était la Petite Pologne, et que ce qu’il fallait reconstituer, c’était la grande Pologne de 1772. Mais la grande Pologne, comment la reconstituer sans la guerre ? Il n’ose pas plus en convenir que Montalembert auquel il venait d’adresser des complimens ; cependant il se montre moins confiant dans l’efficacité de l’intervention morale, il s’en tire par une ambiguïté : « Non, ce n’est pas la guerre, mais ce n’est pas la paix. »

Billault sur-le-champ proteste contre ce qu’il « y a de fâcheux, de nuisible à nos intérêts politiques dans les paroles imprudentes qui ont été dites. » Et il y revient le lendemain, dans un long discours. Il fit ressortir l’efficacité du concours que le Tsar nous avait prêté pendant la guerre italienne, admonesta l’orateur césarien : » Il ne faut pas, de gaieté de cœur, jeter à la face d’un grand souverain de ces paroles amères, difficiles à oublier. Il n’est pas politique de prendre des apparences révolutionnaires, une altitude menaçante et agressive faisant appel à toutes les passions, de se livrer à des emportemens qui blessent les sympathies et aliènent les concours. » — Le prince perdit patience quand le ministre dit que le pouvoir de Napoléon III était né de la lassitude éprouvée par la France des convulsions et des impuissances révolutionnaires ; il l’interrompit : « C’est pour cela que vous avez voté contre lui quand je votais pour lui. (Agitation.) — Oui, vous avez voté pour le général Cavaignac. — Billault : Oui, le fait est vrai ; mais depuis dix ans, l’ayant vu à l’œuvre, je le sers avec fidélité et honneur. (Vive approbation.) »

Billault avait admonesté comme il le devait les imprudences du prince, mais sous ses formes habiles, prudentes et intentionnellement fuyantes, son discours était peut-être plus imprudent encore. Il reconnaît qu’aujourd’hui le mouvement est national et non pas Mazzinien ou Garibaldien ; il ajoute que les « essais successifs faits par le gouvernement russe sont restés inefficaces, que cette inefficacité est dans la nature des choses et qu’elle se renouvellera tant qu’on s’en tiendra (c’est pourtant ce que demandait le gouvernement anglais) à la combinaison de 1815. Si le gouvernement donne peu à cette nationalité