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comme pour l’avenir, c’est avec confiance que je revendique, hautement et fièrement, ma part de collaboration ! » (Très bien ! Applaudissement sur un grand nombre de bancs.)


IX

Malgré des tentatives d’obstruction venues des adversaires divers de la loi, l’article 414 fut voté[1]. Je considérais la discussion comme terminée en ce qui me concernait, et, Jules Favre ayant annoncé l’intention d’attaquer la surveillance de la haute police, inscrite dans l’article 415, je priai M. Rouland de vouloir bien lui répondre. Ma surprise fut extrême lorsque, au début de la séance, je le vis se lever, pale, menaçant, et dès les premiers mots me jetant une provocation : « Si l’article était revêtu de votre approbation souveraine, il vivifierait des lois d’exception auxquelles votre honorable rapporteur ne s’est pas toujours si complaisamment rallié. » (Murmures.) Il démontra ensuite que la peine de la surveillance de la haute police était dure, monstrueuse. « Or, cette peine, dans une loi libérale que vous présentez comme un bienfait, est non seulement maintenue, mais rajeunie. » Ceci était clair ; ce qui le fut moins, c’est le raisonnement, renouvelé de Jules Simon, par lequel il essaya de prouver que l’aggravation de peine prononcée contre ceux qui se concertaient pour porter atteinte à la liberté du travail entraînait l’impossibilité de faire une coalition. « C’est la coalition elle-même que vous interdisez, après l’avoir permise. » Il revint ensuite sur l’article 414, quoiqu’il eût été voté, et prononça une longue diatribe contre le mot de manœuvres frauduleuses, mot vague, dangereux, le tout entremêlé d’insinuations blessantes : « Le droit que vous proclamez est accompagné de dispositions spéciales qui l’étouffent et le font périr, — dispositions vagues et ambiguës avec lesquelles tout est permis ; — la conscience publique proteste, vous introduisez la confusion et le désordre moral. » Il est impossible de rendre par un récit l’expression de fureur haineuse avec laquelle il termina. Je me retournai pour le regarder, il était vert : « Il faut que chacun ait le courage de son opinion. » (Interruption.) Une voix : « Nous avons tous ce courage. » — « Nous protestons contre l’équivoque ;

  1. Séance du 29 avril 1864.