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désirait Je plus rester dans les termes d’une étroite intimité. »

D’autre part Wielopolski le faisait prier de n’intervenir d’aucune manière dans ses affaires et de le laisser seul conduire sa difficiles entreprise. Ce fut une raison de plus pour l’Empereur de ne pas sortir de son altitude amicale envers la Russie ; il y était d’autant plus disposé qu’il attribuait alors l’organisation du mouvement polonais à ce parti de conspirateurs cosmopolites dont les menées le visaient aussi bien que le Tsar. Cette attitude avait été si loyalement gardée que le Comité occulte de Varsovie s’en plaignit dans son manifeste. L’insurrection ne décida pas l’Empereur à sortir de sa réserve. Convaincu que cette levée révolutionnaire plus que nationale ne serait qu’une échauffourée vite réprimée, rassuré sur le lendemain de la défaite par les déclarations de Gortschacof à Montebello, il se réservait d’invoquer sa neutralité amicale pour réclamer l’exécution des promesses qu’on lui avait faites, si, dans l’enivrement du succès, on était tenté1 de les oublier.

Il n’existait du reste nulle part une puissance disposée à accorder à la malheureuse Pologne plus que des paroles vides. Les Anglais ne dissimulaient pas qu’ils n’auraient rien autre à son service. Russell l’avait annoncé l’année précédente : « Jamais aucun homme d’Etat Anglais, ayant rempli les fonctions de premier ministre, n’a eu dans l’idée de prêter une assistance matérielle aux Polonais ; jamais aucun ministre n’a pensé que le devoir de ce pays fût de s’interposer autrement que par l’expression de ses opinions (26 mars 1862). » Les Autrichiens, nonobstant leur mauvais vouloir envers le cabinet russe, n’étaient pas disposés à créera leurs portes une indépendance qui leur coûterait la Galicie, et serait un préliminaire à la perte de la Vénétie. Quant à la Prusse, le mouvement insurrectionnel y rencontrait une hostilité prononcée. Les rois et hommes d’Etat prussiens tenaient comme une maxime d’Etat que la Prusse avait encore plus d’intérêt que la Russie à ne pas souffrir l’existence d’une Pologne indépendante. Le célèbre Clausewitz en donne les motifs dans un mémoire resté classique : « Une Pologne indépendante supposait l’abandon par la Prusse du duché de Posen ; après quoi on ne tarderait pas à revendiquer la Prusse occidentale et Dantzig. Séparée des autres provinces de la monarchie, habitée en grande partie par une population que sa langue rattache au polonais et au lithuanien, enfin autrefois vassale de la