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comte de Maillé au nom de la droite et M. Milliard au nom du centre ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas voter la loi. « Nous la repoussons, a dit ce dernier, de toute l’énergie de nos volontés, de toute la force de nos consciences, et nous restons ainsi fidèles à nos principes républicains. »

Il y a deux parties dans cette loi : la première donne la liberté d’association, la seconde refuse toute liberté vraie aux congrégations, et porte une atteinte indirecte, mais sûre, à la liberté d’enseigner. La première a soulevé quelques critiques. Elle va très loin en effet, et ne s’arrête pas devant ce péril de l’internationalisme dont on s’effraye si fort lorsqu’il s’agit de quelques moines, et qui parait anodin et innocent lorsqu’il s’agit des collectivistes : l’avenir dira si on n’a pas montré trop de confiance à l’égard de ces derniers. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu que la loi fût votée pour s’attribuer les avantages qu’elle devait leur conférer, et ce n’est pas ce que nous leur reprochons, car ils n’ont pas été seuls à agir ainsi. Il y a longtemps que l’article 291 du code pénal qui interdit les associations de plus de vingt personnes, et certains articles de la loi de 1834 sont tombés en désuétude. Tout le monde les a condamnés, et lorsque le gouvernement s’en est servi par hasard, ce n’a jamais été sans une sorte de timidité et d’embarras, comme s’il n’avait pas été bien sûr de son droit. Quand une législation en est là, elle est morte de sa belle mort : il n’y a plus qu’à en faire une autre, et c’est à quoi on vient de procéder. Mais pendant l’espèce d’interrègne qui a eu lieu entre la loi morte et celle qui n’était pas encore née, des associations internationales très actives et déjà très puissantes se sont multipliées. Il est permis de s’en préoccuper. Néanmoins nous ne protestons pas contre ce qu’il y a peut-être d’aventureux dans la loi nouvelle ; l’expérience seule montrera ce qu’il faut définitivement en penser ; mais comment ne pas être choqué de tant de liberté d’un côté et de tant de restrictions de l’autre ? Nous ne nions pas les inconvéniens que présenterait un développement exagéré des congrégations religieuses ; mais, à l’heure où nous sommes, ces dangers ne sont pas les seuls, ni même les plus graves contre lesquels nous ayons à nous prémunir.

Pourtant, dans un congrès radical qui vient d’avoir lieu à Paris, nous n’avons entendu parler que de la Congrégation, avec un grande, de la Congrégation qui, dans l’imagination volontiers tragique de M. Brisson, prend l’aspect terrifiant de l’Hydre de Lerne ou de la Bête du Gévaudan, et c’est seulement contre elle qu’on nous a invités à multiplier les précautions. Il est vrai que nous ne nous attendions pas