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maladie s’était transformée dans la seconde. Une telle transformation est sans fondement comme sans exemple. La science actuelle la repousse. Le fait de la disparition de la lèpre en Europe tient, peut-être, pour une part, comme le dit Vidal, à ce que les connaissances médicales en dermatologie sont devenues plus parfaites. Il n’est pas douteux que la part principale, dans cette extinction du fléau, en Occident, revient à l’action combinée de l’isolement et des progrès de l’hygiène. Toutefois, il y a des cas, encore aujourd’hui, où le diagnostic est difficile à établir, entre les symptômes du mal spécifique et ceux de la lèpre. Les médecins les plus habiles peuvent hésiter. On a pu voir, à la Société médicale des Hôpitaux, il y a quelque dix-huit mois, un malade que le présentateur, M. Renaut, considérait comme affecté de syringomyélie, — ce qui est une forme du mal spécifique, — tandis que d’autres, comme MM. Rendu et Gilles de la Tourette, le jugeaient atteint de lèpre véritable. Le seul examen des symptômes ne permet donc pas toujours de décider de la nature du mal. Il faut l’épreuve cruciale, celle de la présence du bacille.

Les lésions de la lèpre atteignent primitivement deux espèces d’organes et deux seulement : la peau, les nerfs. C’est là une division fondamentale. Il y a, par conséquent, deux espèces de lèpre : la lèpre des nerfs, encore appelée lèpre anesthésique ou lèpre antonine ; la lèpre de la peau, lèpre tégumentaire ou noueuse, lèpre léonine.

Le caractère nerveux de la lèpre est très général : il tient à l’affinité du bacille de Hansen pour le tissu nerveux, et à l’envahissement plus ou moins précoce des nerfs périphériques, par ce micro-organisme. L’insensibilité des organes frappés est tout à fait remarquable. Un homme assis près d’un poêle se brûle le dos sans s’en apercevoir. Il y a bien des raisons de supposer que c’est un lépreux. Un autre ne sent pas le contact du sol : la plante du pied est, chez lui, comme une semelle supplémentaire : il lui semble qu’il marche sur du coton : la probabilité est la même. Mais, si, par surcroît, on trouve des nodosités sur le trajet des nerfs, et des bacilles dans ces nodosités, le doute n’est plus possible. C’est un lépreux anesthésique. L’épreuve de la recherche du bacille de Hansen dans un fragment de nerf est décisive. Il est regrettable qu’elle exige une petite opération. Nous allons voir que M. Spronck a fourni un moyen d’éviter cet inconvénient.