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trouvent asile chez des compagnons d’infortune ; ou, si ce sont des femmes, elles sont recueillies dans une série de pavillons qu’un banquier d’Honolulu, M. Bishop, a fait édifier à cet effet. Dom Sauton, qui les a visités en 1899, les a trouvés satisfaits d’avoir le nécessaire, presque heureux de leur sort, et ne songeant plus qu’à chanter, rire et s’amuser.

Il faut rapprocher de ces condamnés, qui trompent si gaiement l’attente de la mort, le petit nombre de ceux qui, dans d’autres contrées, sont recueillis et soignés dans quelques léproseries bien tenues. Tels, par exemple, les Malgaches que les Jésuites hospitalisent, depuis 1891, dans la léproserie de Saint-Laurent de Marana. Ils habitent dans des chambrées convenables, sont bien nourris et proprement vêtus. La plupart sont employés aux travaux des champs ; ils cultivent, malgré les mutilations de leurs pieds et de leurs mains, des patates, des citrouilles, du manioc, plantent des arbres, et défrichent des terrains incultes. Ils reçoivent, pour leur travail modéré, un petit salaire qui leur permet d’ajouter quelques douceurs à l’ordinaire de leur table. C’est une vie tranquille et presque joyeuse.

Comme antithèse à cette condition privilégiée, voyons celle qui attend les infortunés lépreux dans quelques autres contrées. Dans certaines parties de la Chine, le peuple, qui croit la maladie très contagieuse, essaye de se débarrasser des malheureux qui en sont atteints. Déposés, avec une petite provision de vivres, dans quelque mauvais sampan, ils sont abandonnés au fil de l’eau, et on leur interdit d’aborder nulle part ; ou bien, comme dans le Turkestan, ils sont lapidés, ou tout au moins chassés à coups de pied et à coups de bâton dans les endroits déserts, où ils succombent aux privations et aux intempéries. Aussi, pour résister à ces dangers, ces malheureux se groupent-ils, lorsqu’ils le peuvent : ils forment des villages dont ils interdisent l’accès à leurs persécuteurs ; ils tuent les téméraires qui enfreignent la défense. Il existe plusieurs villages de ce genre auprès de Canton.

De même, dans quelques parties de l’Asie Mineure et en Palestine, la populace pourchasse les lépreux hors des villes. A Siloë, près de Jérusalem, ces malheureux forment une petite colonie qui vit en commun dans deux bâtimens sordides. Le jour, ils implorent la pitié des pèlerins et sollicitent l’aumône des passans sur le chemin du Calvaire ; rentrés à leur asile, ils