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dans la province des Betsiléos, à 5 pour 1 000, c’est-à-dire qu’il y a un lépreux sur 200 habitans. Il en est de même au Dahomey.

La situation est à peu près pareille dans les colonies anglaises et les pays d’Empire. Les Indes et les États feudataires comptent environ 140 000 lépreux ; il y en a plus de 6000 dans la seule Birmanie. Les léproseries instituées dans ces pays, dont quelques-unes sont fort bien tenues, sont cependant insuffisantes. En Égypte, il y aurait, d’après le docteur Engel-Bey, près de 3 000 malades ; les plus nombreux se trouvent dans la région d’Assiout. On cache le fait, de peur d’éloigner les touristes.

En somme, il y a bien peu de contrées exotiques qui échappent au fléau. Les plus salubres d’entre elles sont, à cet égard, dans une situation analogue à celle de l’Europe au moyen âge. Quelques autres peuvent nous fournir une image assez exacte de l’état de nos pays au temps des grandes épidémies, après l’invasion des Barbares et après les Croisades. Telle est la Chine, réceptacle inépuisable de toutes les contagions, où la lèpre sévit avec intensité ; dans toutes les provinces méridionales et où l’on ne compte pas moins de 42 000 lépreux dans le Kiang-si ; de 12 000 dans le Yun-nan : de 30 000 dans le Fokien et le Kouang-tong. Un autre pays semble encore plus éprouvé, sous ce rapport ; c’est, dans l’Amérique du Sud, la Colombie : sur une population d’environ trois millions et demi d’habitans, il y en a à peu près 30 000, de toute situation sociale, riches ou pauvres, qui sont infectés par la maladie. Sur le même continent, le Brésil est, après la Colombie, le foyer le plus important. Le fléau y est en marche ascendante : il sévit dans toutes les classes de la société.

En Océanie, les îles Hawaï ou Sandwich ont été particulièrement éprouvées. La population indigène a été littéralement décimée. De 58 765 en 1800, le nombre des Canaques est tombé, en 1806, à 35 000 ; dans cet intervalle, plus de 5 000 de ces malheureux ont été séquestrés par le gouvernement hawaïen dans l’île de Molokaï. Dès que la lèpre est soupçonnée chez un individu, celui-ci est placé d’office dans le poste d’observation de Kilighi, près d’Honolulu ; aussitôt que le diagnostic est confirmé, il est déporté, sans espoir de retour, sur la plage de Molokaï. Le gouvernement fait distribuer à ces prisonniers du poï, du riz, de l’huile, de la viande deux fois par semaine et des vêtemens : il dépense pour chacun d’eux environ 450 francs par an. Les plus riches se font construire une maison à eux ; les autres