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Dans presque toutes ces lettres, elle insiste sur cette consolation et supplie sa grand’mère ou sa mère de continuer à lui donner des marques de cette amitié. « Ne me privés pas plus longtemps, dit-elle à sa grand’mère, de la consolation de recevoir de vos nouvelles un peu plus souvent : dans la situation présente, j’ai besoin de tout. » Mais elle fait souvent allusion à la réserve que la guerre déclarée entre les deux pays l’oblige à conserver : « Nous sommes malheureusement, dit-elle, dans un temps où l’on ne saurait mander tout ce qu’on voudroit ; » et dans une autre lettre : « L’on n’est occupé que de l’affaire d’Ecosse, et je crois, ma chère grand’mère, que, dans la situation où nous sommes, il est tout aussi bon de n’en point parler[1]. » Mais, si ces lettres sont courtes, « fautte de matières », elle ne veut pas qu’on puisse douter de ses sentimens, et elle termine ainsi une lettre à sa mère : « Cette lettre n’auroit point de fin, si je voulois vous exprimer toute ma tendresse pour vous. Mais il n’y a pas de terme ; assez fort pour vous dire tous mes sentimens. J’espère que vous me rendés assez de justice pour n’en point douter et pour les connoître tels qu’ils sont[2]. » Aussi prend-elle une vive part aux épreuves « de ce qu’elle a de plus cher au monde, » et elle voit, par tout ce qu’elle sent, « jusqu’où va son amitié pour sa famille. » Elle ne peut savoir sa mère et sa grand’mère « dans une situation aussi malheureuse, sans avoir les larmes aux yeux, » et elle est au désespoir d’apprendre les épreuves de sa sœur. Aussi est-elle dans une tristesse « qu’aucun amusement ne peut diminuer et qui ne s’en ira plus[3]. » On lui sait gré de ces sentimens et de cette tendresse. Nous l’avons assez montrée enfant frivole et affamée de plaisirs, pour faire apparaître chez elle la femme de cœur qui commençait à prendre au sérieux les choses.

Les malheurs publics l’affectaient également. Mme de Maintenon le fait observer sans cesse dans ses lettres, avec un peu d’étonnement. « Elle est plus inquiète sur la guerre qu’il ne convient à une personne de son âge, » écrivait-elle en 1705 au duc de Noailles, et dans un entretien avec les dames de Saint-Louis[4] :

  1. Archives de Turin, Lettres des 6 juin 1707 et 2 avril 1708.
  2. Ibid., Lettere di Maria-Adélaïde di Savoia, scritte alla Duchessa di Savoia, sua madre. Cette lettre est sans date.
  3. Ibid., passim. L’archiduc Charles étant entré à Madrid, la Reine avait dû se réfugier dans les montagnes des Asturies.
  4. Mme de Maintenon, d’après sa correspondance authentique, par M. Geffroy, p. 59, Entretiens sur l’éducation des filles, p. 201.