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décider son médecin sur la manière dont elle doit faire le carême, » et il ajoutait : « Si ce Prince veut inspirer de la piété à la Princesse, il doit la rendre douce et aimable, écarter tout ce qui est épineux, lui faire sentir en sa personne le prix et la douceur de la vertu simple et sans apprêt, lui montrer de la gaieté et de la complaisance dans toutes les choses qui ne relâchent rien dans le fond, enfin se proportionner à elle et l’attendre. »

On ne pouvait parler plus sagement, et, mieux que le mari, le prêtre savait comment il fallait s’y prendre avec une jeune femme. Le Duc de Bourgogne ne profita guère de ces judicieux conseils. Si nous n’appuyons pas davantage sur ses maladresses et ses fautes, c’est que déjà nous les avons mises en relief. Mais, s’il put souffrir, moins qu’il n’aurait dû peut-être, de l’indifférence de sa femme, et, d’une certaine malveillance de la Cour, cependant la vie ne lui faisait pas sentir encore ses épines, et les années d’épreuve n’avaient pas commencé pour lui.

Il n’en est pas de même pour la Duchesse de Bourgogne. Pour elle, au contraire, les années d’épreuve commencent. Nous ne reparlerons pas, pour l’avoir déjà fait longuement, des chagrins qu’elle s’attira d’abord par ses légèretés avec Nangis, puis par ses imprudences avec Maulevrier, et ses coquetteries avec Polignac. Ou se rappelle les larmes qu’elle versa à la mort de l’un, au départ de l’autre[1]. Nous parlons d’autres épreuves qui n’étaient pas de celles qu’elle aurait pu s’épargner.

Epreuves domestiques d’abord. Sa grossesse de 1704 fut laborieuse. « Elle est, écrivait la duchesse du Lude à la Duchesse de Savoie, dans des craintes d’accoucher terribles, ce qui lui donne des vapeurs et la met dans un état très triste[2]. » Ses couches ne le furent pas moins, et l’enfant dont la naissance, achetée au prix de tant de souffrances, donna lieu à de grandes démonstrations de joie ne devait pas vivre longtemps. Au bout de quelques mois, il fut emporté par une convulsion, et cette mère de vingt ans faisait pour la première fois connaissance avec les douleurs réelles de la vie. La sienne fut non seulement vive, mais, pour elle, durable. « Madame la Duchesse de Bourgogne, écrivait Mme de Maintenon, a une douleur si grande, si sainte, si sage, et si douce, qu’il ne lui est pas échappé un mot qui n’ait charmé tout le monde ; » et dans une autre lettre, postérieure de plusieurs

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1899.
  2. Marie-Adélaïde de Savoie, par M. A. Gagnière, p. 244.