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nos autres réclamations ; puis, en ce qui concernait l’affaire Pouzet, des excuses, une indemnité de 100 000 francs, la mise en liberté immédiate des Marocains qui avaient été arrêtés au service d’un Français, enfin la remise entre nos mains du caïd de Keldana, qui avait ordonné le feu contre la barque où était notre infortuné compatriote, et qui était dès lors responsable de sa mort. Ce dernier point était le plus délicat. Mais nous n’aidons pas l’intention de substituer notre juridiction à celle du gouvernement marocain sur son propre territoire ; ce n’est pas nous qui devions juger le caïd et le condamner à la prison perpétuelle qu’il avait encourue ; nous exigions seulement que, par un acte public, il fût placé à notre disposition pour que tout le monde comprît que sa peine était sérieuse et qu’il la subirait tout entière, ou du moins qu’il n’avait rien à attendre dans l’avenir que de notre propre clémence. Tout s’est passé conformément à ce programme. M. de la Martinière, premier secrétaire d’ambassade à notre légation de Tanger, s’est rendu par mer à proximité des lieux avec un représentant du sultan, et le caïd coupable lui a été remis pour être conduit à la prison de Tanger. Pleine satisfaction nous a donc été donnée, et l’effet produit sur les populations de la côte a été des plus vifs. On sait que notre ministre à Tanger, M. Révoil, vient d’être nommé gouverneur général de l’Algérie à la place de M. Jonnart, autour duquel s’était manifesté tant de sympathie et de confiance : et nous profilons de cette circonstance pour exprimer nos très vifs regrets que M. Jonnart ait été obligé, par la faiblesse de sa santé, d’abandonner la lourde tâche qu’il avait abordée avec tant de courage et déjà de succès. M. Révoil continuera son œuvre interrompue. Mais, avant de quitter Tanger, il a tenu à terminer lui-même toutes les affaires pendantes, notamment celle qui se rattachait au meurtre de M. Pouzet. Il y a réussi avec éclat. Comme gouverneur de l’Algérie, M. Révoil est appelé à avoir des relations fréquentes avec le Maroc. Nous souhaitons qu’elles soient toujours bonnes ; cela dépendra en grande partie du Maroc lui-même. En tout cas, on saura à Fez qu’il y a à Alger un homme qui a fait ses preuves de résolution et de fermeté, qui désire bien vivre avec ses voisins, mais qui ne laissera péricliter ni les intérêts, ni le prestige de la France. Non seulement ces dispositions sont compatibles avec une politique de modération et de ménagemens, mais elles sont nécessaires pour l’empêcher de paraître une politique de condescendance excessive ou de faiblesse. Il y a des gouvernemens avec lesquels on ne peut se montrer bienveillant qu’après s’être montré fort.