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colorante grimpe, par capillarité, dans la tige, où elle se trouve réduite, puis se réoxyde au contact de l’air en pénétrant dans les pétales ; l’industrie s’empara du procédé, et aujourd’hui on colore certaines fleurs, narcisses, lilas blancs, immortelles. On ne connaît guère ici que trois couleurs : le vert, le violet et le rose. Un bleu verdâtre peut aussi être obtenu par l’emploi du tétraméthylparadiamidophenylorthoxiphénylméthane : cette substance a pour vocable un des mots les plus longs de la langue française. Qu’adviendra-t-il de ce maquillage horticole ? On peut croire que la teinture des fleurs vivantes donnera lieu à de curieuses études de laboratoire, mais qu’elle exercera peu d’influence de fait. À quoi bon ces contrefaçons, alors que nous enrichissons presque à l’infini la gamme des tons dans chacune des fleurs de nos végétaux d’ornement ? Trois mille orchidées, trois mille chrysanthèmes, et ni la nature, ni l’homme n’ont dit leur dernier mot. Je ne cite ici que les orchidées et les chrysanthèmes, parce qu’avec les roses, elles fournissent les inflorescences les plus riches, mais beaucoup de fleurs comptent des espèces fort nombreuses.

L’École nationale d’horticulture de Versailles mérite une mention spéciale. Elle est une véritable école d’horticulture, elle est établie au Potager du Roi, organisé de 1679 à 1683 par La Quintinie[1], jardinier de Louis XIV, et occupe une surface de 10 hectares environ. Elle a été instituée en 1873 par l’Assemblée nationale, sur la proposition de Pierre Joigneaux, député de la Côte-d’Or, et du congrès de la Société des Agriculteurs de France. L’idée n’était pas nouvelle, car deux fois déjà on avait tenté de fonder en France une École d’horticulture : sous Louis XV, un agronome distingué, Moreau, offrait de créer sur son domaine de la Rochette, près de Melun, d’une étendue de 200 hectares, une pépinière nationale en même temps qu’un établissement d’enseignement horticole. Le contrôleur général Laverdy accepta, et le Roi signa en 1767 un arrêt : la pépinière devait être cultivée par 50 enfans trouvés, âgés de 12 à 15 ans ;

  1. Louis XIV anoblit son jardinier ; ses armes étaient d’argent au chevron d’azur accompagné de deux étoiles de même, et, en pointe, d’un arbre de sinople, terrassé de même. Quant à Le Nôtre, créateur des jardins de Versailles, le Roi, qui lui avait déjà octroyé des lettres de noblesse et le cordon de Saint-Michel, voulait, au moment de sa retraite, lui donner encore des armoiries. « Des armoiries, remercia Le Nôtre, j’ai déjà les miennes : trois limaçons couronnés d’une feuille de chou. »