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pratique plutôt que scientifique. Ajoutons-y le petit nombre des plantes indigènes. L’Europe florale doit beaucoup à la science, beaucoup aussi à l’Asie, l’Amérique et l’Océanie : par exemple, l’Angleterre compte à peine 1 500 espèces indigènes, tandis qu’on y rencontre plus de 32 000 exotiques ; le réséda lui-même arrive d’Egypte.

Mais voici venir la découverte du Nouveau-Monde, et ce XVIe siècle qui ouvre la période de l’histoire documentaire des introductions. Description minutieuse des espèces indigènes, catalogues raisonnes des acquisitions nouvelles, fondation de jardins botaniques, tout est travail, effort et zèle extrême à cette époque ; la vogue des inflorescences américaines et asiatiques ne tarde pas à se déclarer. C’est alors qu’on apporta en Europe les tulipes, les jacinthes, les narcisses, les couronnes impériales, et tant d’autres fleurs qui bientôt détrônèrent les végétaux autochtones : la première tulipe fleurit en Allemagne, au mois d’avril 1559, à Augsbourg. Aux XVIe, XVIIe siècles, la tulipe arrive à des prix exorbitans, figure avec honneur sur les toiles des vieux peintres hollandais. Puis, c’est le Canada qui envoie les prémices de sa flore, la vigne vierge, le faux acacia, les asters, etc., devenus les commensaux habituels des jardins européens. Vers le milieu du XVIIe siècle, se présentent les premières plantes du Cap ; Amsterdam, Leyde possèdent les plus nombreuses, les plus belles variétés de géraniums, éricacées, chrysanthèmes[1], lobéliacées, pélargoniums, aloès, euphorbes, 6 000 espèces végétales forment, dès 1668, les collections du jardin botanique de Leyde. Mais ces belles Africaines réclamaient, pour vivre, un abri ; on commença donc de construire des serres d’après les principes rationnels. Lorsque le style paysager eut enfin triomphé, nombre d’essences exotiques firent leur entrée

  1. On a célébré en 1889 le centenaire de l’arrivée en Europe du chrysanthème. « En pots, en touffes arrachées, en fleurs coupées, ce sont elles, observe M. Philippe de Vilmorin, qui tiennent toutes les places pendant la saison d’automne, et nul ne songerait à s’en plaindre, tant elles sont jolies, variées et décoratives. Depuis les petites fleurs en pompon jusqu’aux larges têtes aux fleurons contournés, dites japonaises, elles ont toutes les formes régulières, symétriques, échevelées, en cocarde ou en aigrette, elles se prêtent à tous les emplois et présentent toutes les nuances les plus fraîches et les plus originales. Elles sont naines ou élancées, grêles ou touffues ; le savoir-faire de nos cultivateurs fait varier les fleurs de la grosseur d’un bouton d’or à celle d’une pivoine, la taille des plantes de trente centimètres à deux mètres. On les groupe en massifs, en gerbes, en corbeilles ; on les emploie en fleurs isolées, et elles se prêtent à tous les usages, avec le mérite de se conserver longtemps… »