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Mais, quelque crédit qu’assurât à M. Jeanvrot la part qu’il commençait à prendre, avec Colfavru, Charavay et Jean Macé, à la préparation du centenaire de 1789, son « morceau d’architecture » ne prévalait point contre les traditions diplomatiques, qui dictaient à nos agens, hors de France, leur attitude et leur conduite envers l’Église. C’est en vain qu’affluaient, dans l’abondant courrier de Macé, demeuré l’homme de confiance de la maçonnerie universelle, les délations contre nos consuls, « ces bedeaux grâce auxquels la puissance du cléricalisme ne fait que croître et embellir, » et contre le personnel de notre ambassade à Constantinople, qui, par une condescendance dont « il y aurait de quoi rire si le sujet n’était pas si triste, » se montrait à la messe et à la communion : la France du Levant survivait, intacte, aux étranges Français qui la voulaient mutiler. Hostile aux demi-mesures, et décidément impatient d’en finir, Morin voulait que tout Français qui, à l’étranger, se livrerait à la propagande religieuse, perdît son droit à la protection nationale. Cette merveilleuse proposition, qui déniait la dignité de citoyen français aux plus zélés propagateurs de notre langue et de notre nom, et qui visait à mettre les missionnaires à la porte de la France, était digne du publiciste maçonnique qui voulait mettre la France à la porte de partout. Le Soudan ne fut pas laissé aux Soudaniens, — ce qui, dans l’espèce, eût voulu dire : à l’Angleterre ; et la France du Levant resta française. Morin emporta dans la tombe cette double déception. Il eût pu s’y attendre, d’ailleurs, en voyant M. de Freycinet expliquer sans détour, au lendemain du 29 mars 1880, que les trop fameux « décrets ne pouvaient avoir pour conséquence l’abandon de notre politique séculaire, et que la sollicitude de la République française pour les intérêts religieux n’en était nullement affaiblie. »


V

A l’époque même où l’on répétait à Genève, annuellement, que la démocratie française, définitivement laïcisée et désavouant à jamais les antiques liens diplomatiques qui l’unissaient à l’Église, devait être pour les autres nations une maîtresse de désintéressement, Jules Ferry, lui, se refusait à donner au monde une leçon constante de résignation, de sacrifice, d’immolation. Il jugeait que la démocratie française, en affectant dans les rapports