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et la mine navrée, on m’a retiré mon costume pour demain ! Pourquoi ? Est-ce que je ne dois pas revenir ? — Si, si, mon enfant, lui est-il répondu d’un ton paterne, revenez demain, on vous en donnera un autre. » — « Vous comprenez, dit-il à l’auditeur de ce colloque, lorsque sa pensionnaire fut partie, elle était un peu maigriote pour la tenue Empire. »

Si les faux mollets sont rares au théâtre, les cheveux et les barbes artificiels y sont de commune pratique. Souvent le coiffeur prend à forfait la charge de la figuration et des personnages secondaires ; les perruques des principaux acteurs se paient à part. Moyennant 8 à 900 francs par mois, au Châtelet, un spécialiste fournit et transforme tous ces accessoires pileux, qui demeurent sa propriété.

Deux industries distinctes se partagent le travail des cheveux : les « apprêteurs » achètent, nettoient, conditionnent et assortissent les 80 000 kilos de cette dépouille humaine annuellement nécessaires à notre consommation nationale ; — de 1872 à 1883, il en fallait 160 000 kilos par an. — La moitié de ces cheveux proviennent de têtes françaises ; l’autre moitié vient des pays scandinaves, de Hongrie, d’Italie, surtout de Chine et du Japon. Le prix varie de 20 francs à 2 000 francs le kilo, suivant les genres et les fluctuations du marché. Les moins estimés sont ceux d’Extrême-Orient, espèce de crins carrés et cassans, propres seulement aux gros ouvrages ; la nuance la plus chère est le blanc naturel, teint par la neige des ans et non décoloré par l’eau oxygénée.

Les « posticheurs, » de théâtre ou de ville, les premiers assistés de nombreuses ouvrières, les autres opérant isolément, établissent les perruques ; c’est-à-dire fixent les cheveux un par un sur des formes. Tous sont parvenus depuis quelques années à diminuer beaucoup le poids de leurs articles, en réduisant le volume de leurs montures et en faisant tenir, sur un petit espace, une quantité de cheveux que les plus habiles autrefois n’auraient pu y rassembler.

Le coiffeur doit être le collaborateur patient de l’artiste dont il tient le chef dans ses mains ; sur les scènes de genre, il l’aide à allonger, élargir et modeler son crâne, suivant la physionomie grotesque ou terrible qu’il veut se donner ; dans les spectacles historiques, il doit ressusciter, par la tête, les personnages dont le costumier a fait revivre le reste du corps. Les comédiens, qui