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La livrée de ces charançons, rayés d’or et de vert, de ces coccinelles, de ces libellules aux ailes tendues sur des montures en laiton, coûte fort cher et se détériore facilement. Quoiqu’on les enlève au personnel des deux sexes dès sa sortie de scène, les avaries sont fréquentes. — « Aujourd’hui encore, rapporte dolemment l’ustensilier, outré de l’incurie des figurans, on a dû réparer six têtes et vingt-sept cuirasses de hannetons. » Les femmes en pâte, à demi vêtues, qui garnissent les arrière-plans d’apothéose sont, grâce à une composition nouvelle, d’un saisissant réalisme ; même prévenu et à quelques mètres de distance seulement, on les jurerait en chair et en os.

Dans le théâtre moderne, épris de couleur locale, les accessoires, représentés il y a deux siècles par une lettre et un fauteuil, ont pris un intérêt grandissant ; consoles, tables et sièges sont, pour de simples vaudevilles, commandés à des tapissiers d’art. Les comestibles viennent du marché voisin ; les babas en tôle et les pâtés de carton, pleins de biscuits que les acteurs dévoraient avec un entrain médiocre, ne sont plus de mise. Cependant, les détails du repas, dans les pièces où l’on dîne, n’atteignent pas tous le même degré de fini, parce qu’ils ne sont pas destinés à faire également illusion. Il s’observe une proportion constante entre le soin que l’on prend de chaque partie du service, et son rapport avec le texte et les jeux de scène. Au premier acte de l’Ami Fritz, le dialogue exige que, d’une soupière nature, s’échappe une fumée authentique ; mais les autres plats, que ne souligne plus l’action théâtrale, peuvent être artificiels. L’observation du temps exact n’est jamais nécessaire ; le public en perd la notion, dès que son esprit se détourne vers un autre objet.


V

Aussi n’est-il pas trop choqué de voir la nuit et le jour se succéder, sur la scène, avec plus de rapidité que dans la vie, lorsque les situations le commandent. Car, si l’on donne à l’électricien un délai suffisant, il est à même aujourd’hui, grâce aux appareils en usage, de faire lever ou coucher le soleil sur son horizon de toile peinte, avec une gradation aussi douce que celle de l’astre dans le ciel.

Les théâtres, jusqu’à la Régence du Duc d’Orléans, s’éclairèrent