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L’Opéra, où les changemens et les trucs sont plus rares, a besoin dans la soirée de 100 à 130 machinistes, sur lesquels 75 forment la brigade appointée à la journée. C’est qu’au Châtelet, si la machinerie est dure pendant la représentation et ne laisse guère de répit, la pièce, une fois montée, reste la même pendant plusieurs mois, et l’on reprend les fils, le lendemain, à la place où on les a laissés la veille. A l’Opéra, il faut chaque fois démonter et préparer les morceaux d’un nouvel ouvrage, et, comme la scène n’en loge qu’un petit nombre, on doit constamment évacuer et aller chercher aux fortifications des convois de décors.


III

Parmi les machinistes professionnels, dont le salaire minimum à l’Opéra est de 5 fr. 75, un tiers environ sont des ouvriers de métier : la brigade comprend 20 menuisiers, plus des serruriers, tapissiers et mécaniciens. Ils préparent la besogne au peintre-décorateur. Celui-ci est mis au courant par le directeur de tous les détails nécessaires à la confection du tableau : pays, époque, saison de l’année, heure du jour où se passe la scène ; après avoir combiné avec le régisseur, le maître de ballet, les acteurs, la place des fenêtres et des portes, il découpe et peint à l’aquarelle la maquette du futur décor, dressée à l’échelle de trois centimètres pour mètre.

Jadis l’action se transportait, sans changement, dans les lieux les plus divers : les personnages se bornaient à passer d’un point à un autre. Le théâtre, à l’hôtel de Bourgogne, représentait, « à gauche, un vaisseau d’où une femme doit se jeter à la mer ; plus loin, l’entrée d’un palais ; au fond, une belle salle garnie d’un trône ; à droite, une chambre avec un lit... » Sur une scène de sept mètres de large, ayant à peu près même hauteur, il fallait, pour Clitophon, réaliser le programme suivant : « Au milieu, un temple fort superbe enrichi de termes et colonnes ; à droite, une tour ronde, laquelle soit fort grande pour voir trois prisonniers, et à côté un beau jardin spacieux, orné de fleurs et de palissades ; à gauche, une montagne élancée, avec un tombeau, un autel bocager, un rocher sur lequel on puisse monter, et auprès une mer, un vaisseau et un antre, » etc. Les décors se présentaient invariablement de front et les monumens ou les arbres, ne dépassant jamais la hauteur des châssis, étaient d’une petitesse