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En ces gaines le machiniste plante des poteaux de sapin carrés, de 3 à 10 mètres de hauteur, traversés par des échelons de fer. Il grimpe à ces « mâts » et y fixe les châssis de décor, qu’il pousse ensuite plus ou moins avant sur le théâtre, selon que le tableau doit être resserré ou élargi. Il a soin, pour que les châssis roulent aisément, de les attacher — « guinder » en langage technique — en laissant un centimètre de jeu entre eux et le plancher. Le mouvement des chariots, que les hommes de la scène manœuvrent sans les voir, rend le séjour du premier dessous assez périlleux pendant les entr’actes. Les mâts qui tombent lourdement dans leurs fourreaux, les brusques allées et venues des appareils, risqueraient de casser bras ou jambe à l’imprudent aventuré sans guide au milieu de ces ferrures agitées.

Aux étages inférieurs, méthodiquement rangées à leur « plan, » reposent les « fermes. » Toiles rigides, tendues sur de forts cadres de bois puisqu’elles doivent se soutenir seules, elles montent au moyen de contrepoids dont quelques-uns, comme celui qui sert à la nuit de Valpurgis dans Faust, ont jusqu’à 3 000 kilos. Lorsqu’on veut « appuyer » une ferme — « appuyer, » en style de théâtre, veut dire élever et « charger » signifie baisser ; le commandement de « chargez l’avant-scène » se traduit, en langue vulgaire, par « baissez le rideau » — lorsqu’on veut donc faire monter une ferme, on a soin de la ficeler à des montans de bois — les « âmes, » — eux-mêmes encastrés dans une armature de fer qui guide ce décor jusqu’au trapillon, où le plancher se crevasse tout exprès pour lui livrer passage.

Quatre ou cinq « fils » enlèvent la ferme ainsi « équipée. » Ce sont généralement de gros cordages que les « fils, » mais ce mot — est-ce un vestige ultime des marionnettes d’antan ? — demeure obligatoire dans les théâtres, sous peine d’une amende de quelques francs, infligée par les machinistes à l’ignorant qui prononcerait le fatal vocable de corde ou tout autre également proscrit. Respectons cette tradition, vieille de plusieurs siècles. Les cinq fils vont se réunir en un seul câble, qui s’embobine sur un gros rouleau de bois — le < tambour, » — tandis qu’un autre fil se dévide en sens inverse, entraîné par le contrepoids qui descend.

Les contrepoids sont logés dans des « cheminées, » ou cages de bois, qui s’alignent contre les murs de la face au lointain. Comme ces moteurs, auxiliaires indispensables de la machinerie,