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LA DÉFENSE DE LA LÉGATION DE FRANCE.

de Pékin ; plus rapprochés que ceux que nous avons entendus jusqu’à ce jour, ils paraissent être tirés sur les murailles de la ville ou sur les portes.

Le matin et l’après-midi, calme absolu ; pas même le moindre bruit chez nos ennemis, dont nous entendons quelquefois les querelles ou les discussions ! Se seraient-ils retirés ?

Brusquement, à quatre heures, un boy apporte à la légation de France une nouvelle à laquelle personne ne croit tout d abord : « Des Européens à face noire (sic) arrivent par le canal impérial et entrent dans la légation d’Angleterre ! » Des volontaires courent jusqu’au pont de la rue des Légations et reviennent aussitôt : le fait est exact ! les sikhs arrivent ! Ils les ont vus ! ils leur ont serré la main !

Je crie aux matelots qu’ils sont sauvés, en leur recommandant de ne pas quitter la tranchée sans ordre.

Puis, des détails nombreux nous arrivent successivement : les Russes et les Japonais, parvenus les premiers sous les murs de Pékin, ont enfoncé les portes à coups de canon, les uns les portes de l’est, les autres celles du sud-est ; — ils ont perdu beaucoup de monde ; un colonel russe a été tué ; — ce sont eux nos véritables sauveurs ; — ils sont maintenant dans la ville chinoise, où ils n’ont plus trouvé de résistance ; puis d’autres troupes sont arrivées, les sikhs les premiers, et ont pu entrer dans Pékin l’arme sur l’épaule ; — enfin ceux-ci, conduits par un guide sûr, ont suivi le lit du canal impérial, et c’est par cette voie qu’ils arrivent en passant sous la muraille.

En laissant les hommes à leur poste de combat, nous nous avançons, M. Winterhalder et moi, jusqu’aux barricades chinoises. Rien ! Avec les crosses de nos fusils nous renversons une pile de pierres qui bouche une fenêtre ; pas un Chinois derrière ! Nous appelons alors les marins, qui réoccupent toutes ces positions abandonnées. Ainsi, quand les Français arriveront, ils nous trouveront sur des ruines, il est vrai, mais dans la légation de France.


Darcy.