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LA DÉFENSE DE LA LÉGATION DE FRANCE.

Il est bon d’ajouter, pour achever d’esquisser cette scène, les hurlemens des sauvages qui nous poursuivent, et, tout autour de nous, les colonnes de flammes et de fumée qui accomplissent, elles aussi, mais avec moins de bruit, leur œuvre sinistre.

Le commandant Thomann attend en vain la confirmation de cette nouvelle apportée par l’Américain. Cependant, s’il a dit vrai, le temps presse, et il faut prendre une décision d’autant plus rapide que tous les Européens se trouvent momentanément massés dans la rue des Légations, c’est-à-dire dans une situation très dangereuse.

Enfin, le commandant donne aux troupes autrichiennes, françaises, italiennes, allemandes et japonaises, l’ordre de se replier sur la légation d’Angleterre.

À peine y sont-elles arrivées, que sir Claude Macdonald leur donne l’ordre de repartir pour occuper et défendre le palais du prince Sou. Les hommes n’ont pas même le temps de se décharger de leur musette pleine de munitions.

Les détachemens se reforment, tandis que le ministre d’Angleterre fait appeler le colonel Shiba et le commandant Thomann pour leur donner ses instructions. Nous franchissons au pas de course le lit de la rivière de Jade, échappant heureusement aux balles qui passent trop haut, et nous prenons position dans le Sou-Wang-Fou, où sont réfugiés près de 3 000 chrétiens chinois. Le colonel Shiba indique à chaque chef de détachement la partie qu’il aura à occuper et à défendre ; nous commençons, à cet effet, à prendre les dispositions nécessaires, quand chacun de nous reçoit, de son ministre, l’ordre de réoccuper sa légation. Les troupes se reforment aussitôt et partent pour exécuter ce nouvel ordre qui, sans doute, doit être le seul bon.

À onze heures et demie, les légations sont reprises, sauf celle d’Italie, qui est en feu ; son personnel retourne au Sou-Wang-Fou et se met à la disposition du colonel Shiba. Quels merveilleux incendiaires que ces Chinois !

Je reçois un mot de M. Pichon m’informant que tous les ministres, agissant d’accord, ont décidé que sir Claude Macdonald aurait la direction générale de la défense. Nous avons laissé à la légation d’Angleterre la mitrailleuse autrichienne, son chef de pièce et un servant.

On emploie des coolies à réunir des caisses et à les remplir de terre pour élever pendant la nuit deux barricades.