Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/786

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre revanche, s’écria Persigny. Cependant les rédacteurs du Courrier du Dimanche, ramenés à la justice par notre succès, effacèrent de la plume de Prévost-Paradol les attaques de Weiss : « Ce mouvement est une juste récompense des efforts que les représentans de la démocratie ont faits depuis six ans[1]. » Quant à nous, aussi calmes après le succès que nous avions été résolus pendant la lutte, nous n’exagérâmes pas le caractère de l’événement et nous en aperçûmes clairement la signification. Rémusat, dans sa circulaire du 20 mai 1863, avait écrit : « Je ne rentrerai pas dans les conseils de la nation le cœur plein de vains ressentimens ; j’oublie le passé pour ne songer qu’au bien public. » A son exemple, pas un seul candidat ne laissa soupçonner qu’il voulût entrer au Parlement dans un autre dessein que d’obtenir plus de liberté. De telle sorte que le gouvernement, même là où il avait été vaincu, avait gagné d’être rétroactivement reconnu comme légitime, par ceux qui jusque-là avaient le plus injurieusement contesté son origine. « Les élections, écrivit Girardin, ne veulent pas dire le renversement de l’édifice pour reconstruire ce qui a été détruit le 24 février 1848 : non. Elles veulent dire : couronnement de l’édifice. Rien de plus et surtout rien d’autre[2]. » Jules Ferry, qui avait été un de nos auxiliaires les plus utiles et qui venait de résumer dans un livre la campagne, ne concluait pas différemment : « Malgré les provocations et les imprudences, la question électorale ne s’est pas posée sur le terrain révolutionnaire, l’opposition a partout accepté la constitution et la dynastie ; les minorités n’ont pas voté contre l’Empire. Jamais aspiration plus libérale ne fut plus marquée, plus légale, plus franche ; jamais avertissement plus modéré, plus respectueux ne fut donné au pouvoir[3]. »

Ainsi, ce que le peuple de Paris approuva en 1863, c’est la politique des Cinq, telle qu’ils l’avaient formulée dans leurs amendemens et que je l’avais commentée dans mes derniers discours, la politique constitutionnelle. Il voulut, non renverser l’Empire, mais substituer l’Empire libéral à l’Empire autoritaire. Le succès des Cinq était donc complet : sur le gouvernement, ils avaient gagné le décret du 24 novembre ; sur les vieux partis, la répudiation de la doctrine de haine et d’abstention. Ils avaient

  1. Courrier du Dimanche du 21 juin 1863.
  2. Presse du 3 juin 1863.
  3. La lutte électorale de 1863, p. 108.