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dans les petits Napoléons d’arrondissement qui gouvernent leurs électorats avec les fonctionnaires et les pratiques des constitutions impériales.

Ce livre ayant pour objet de montrer la contradiction qui existe entre nos mœurs et notre système politique, la division en deux parties découlait de l’idée centrale. Dans l’une, l’auteur étudie la France moderne, telle que l’a faite la Révolution ; il décrit dans l’autre notre mécanisme constitutionnel. La première est de beaucoup la plus intéressante.

Sachons gré à M. Bodley d’avoir compris que le « bloc » révolutionnaire forme un tout indivisible, de 1789 à 1815. Il n’est pas de ceux qui méconnaissent la logique interne et mutilent l’unité de ce grand drame ; il ne tient pas compte des cloisons artificielles que les préjugés de nos pères avaient élevées entre le prologue libéral, la période des fureurs destructrices, le dénouement militaire. On goûtera la formule concise où notre auteur enferme le bloc : « l’intervalle épique entre le premier chant de la Marseillaise et l’interjection désespérée du général Cambronne. » — Il constate « le changement opéré sur l’opinion française, à l’égard de la Révolution, dans le dernier quart du XIXe siècle ; » il en parle comme un disciple de M. Renan et de M. Taine. Ses conclusions satisferont les rationalistes modérés plus que les révolutionnaires mystiques. « La Révolution n’est pas responsable de la moitié du mal ni du bien qu’on lui a attribués. Elle n’a pas hâté d’un’ instant les découvertes scientifiques, telles que la traction à vapeur ou les applications de l’électricité. Celles-ci, en transformant les mœurs des peuples, ont été les vraies forces révolutionnaires du monde au XIXe siècle, auxquelles l’ancien régime n’aurait pu résister... En tout cas, la Révolution française n’a rien fait pour la solution des problèmes qui s’imposent encore à l’humanité, un siècle après sa consommation : et, ne se fût-elle pas produite, que rien n’eût été changé aux rapports du capital et du travail, au progrès du socialisme, à la puissance de la ploutocratie. »

Beaucoup d’Anglais estiment avec Macaulay que ce ne fut point si mal fait de couper la tête au roi Louis XVI. Ils auront toujours grand’peine à sentir qu’il y a un abîme entre la tragédie de Whitehall, où un peuple réaliste exécuta un homme, et celle de la place Louis XV, où un peuple idéaliste exécuta la Royauté, le passé national, toute la tradition d’une race. Chez