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LE PEUPLE CHINOIS ET LA RÉFORME.

du système à adopter pour procéder et progresser sans crise ? On peut aussi sans danger, et pour marcher plus vite, avoir recours à ces missions d’instruction en Europe dont on a déjà essayé, mais dont on n’a pas su tirer tout le parti possible, les jeunes gens ainsi formés n’ayant pas trouvé à leur retour dans leur pays la bienveillance et l’appui officiels nécessaires à leurs débuts. Pour savoir comment s’y prendre et commencer, la Chine n’a qu’à tourner ses regards vers le Japon, et à l’imiter en tout, sans oublier toutefois que sa masse décuple l’oblige à de sages lenteurs ; elle devra s’armer de patience et mener toujours de front sa littérature, les sciences et leurs applications. Elle peut le faire sans peine, car cette race de lettrés, qui pèche tant par défaut de sens pratique, possède en revanche des facultés remarquables pour les longues études, facultés qui sont devenues héréditaires dans les familles : non seulement on étudie en Chine, mais on étudie toute sa vie ; il n’y a pas de peuple au monde dont la littérature renferme des richesses comparables ; il y a tout un monde d’auteurs anciens et modernes dont la culture est de convention, et que tout homme de lettres distingué doit connaître sous peine d’avoir à rougir devant ses pairs.

La classe lettrée ou mandarinat n’est donc pas un obstacle à la réforme de la Chine : elle en sera le véhicule.

III

Nous n’avons encore parlé ni des mandarins militaires ni des Mandchous. Chez les premiers, il y a une hiérarchie avec des grades équivalens aux nôtres, mais qui sont loin de conférer la considération dont jouissent ceux-ci dans nos pays. La Chine, on le sait, méprise la guerre : par ses institutions mêmes et le respect du droit que lui ont inculqué ses philosophes, elle est assurément le pays le plus pacifique de la terre, — nous parlons des Chinois chez eux ! — Les réformes de l’armée seront toutes celles qu’on jugera bon de lui appliquer et seront acceptées sans opposition, car, bien que moins disciplinées que les nôtres, les troupes chinoises ont leur code de lois et savent obéir.

La race mandchoue, autre noblesse d’État, ne connaît d’autres intérêts que ceux de la dynastie dont elle est le plus puissant soutien : casernée à Pékin, ou distribuée en garnison dans les principales capitales des provinces, elle est passivement aux