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les pages les plus charmantes de ses Cheerful Yersterdays.

Dans les veines de cette gracieuse personne dont il devint l’heureux père en sa verte vieillesse et qui lui suggéra les vers aimables : Six et soixante ans, coule le sang des Wentworth qui donnèrent trois gouverneurs royaux à l’Amérique et que les méchantes langues de Portsmouth accusaient de désigner rétrospectivement la reine Elisabeth comme cousine Betsey Tudor. Elle a pour aïeule l’intrépide amoureuse, Anne Appleton, qui, malgré les obstacles suscités par deux nations en guerre et des haines de famille qui valaient bien celles des Montaigus et des Capulets, épousa un officier anglais, le capitaine Storrow, prisonnier à Portsmouth au commencement de la Révolution. Longtemps après, à la suite d’étranges vicissitudes, leur fille orpheline, fut mariée au riche armateur Higginson, dont elle avait été d’abord l’enfant d’adoption. Qu’on dise encore que l’Amérique n’est pas le pays du roman !

Pourquoi ne pas lire davantage l’histoire des États-Unis ? Elle est courte, mais elle ne se borne pas cependant à une révolution et à une guerre civile. Le colonel Higginson nous le montre mieux que personne dans un excellent livre dédie à la jeunesse, qui fut tiré à 200 000 exemplaires et qu’une traduction a mis dès longtemps à la portée du public français <[1].

Ce conteur doublé d’un patriote avait le premier rôle au milieu de la multitude juvénile qui fêtait les gloires nationales. Les plus petits trouvent en lui des sentimens paternels. Ce n’est pas assez dire : seule peut-être une mère sait chérir les enfans, leur parler et parler d’eux comme le fait Mr. Higginson.

Pendant notre conversation où s’entre-choquaient la vérité et la fantaisie, selon que nous passions des souvenirs de Washington et de Longfellow à des réflexions sur les invités réunis sous leur toit, c’était un bruit confus de musique et de gais propos. Toute la vieille Amérique, incarnée en de jeunes visages, défilait par la longue galerie, dansait dans les salons, envahissait jusqu’au cabinet de travail. Et il ne devait pas y avoir là de profanation au gré du poète qui aima les lilas, célébra l’Heure des enfans, vit la beauté des choses simples et chanta pour l’âme universelle. Je pensais à l’hospitalité sans mesure qu’il exerça toujours, à ce mot de sa digne fille :

  1. Histoire des États-Unis, par T. Wentworth Higginson. Hetzel et Cie, 1 vol.