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d’intéresser Chamillart à une affaire qui cependant n’était guère de son ressort : la bonne éducation des Séminaristes du diocèse de Cambrai. « Le Séminaire, lui écrivait-il, est dans un château, à une lieue… J’ai cru qu’il étoit absolument nécessaire de mettre le séminaire sous mes yeux, n’ayant rien de plus capital dans mes fonctions que de m’appliquer moi-même à la bonne instruction de ceux qui doivent être les pasteurs des âmes. Il se présente une occasion singulière de vendre ce château avec la terre à des Carmélites chaussées qui voudroient s’y établir, si le Roy avoit la bonté de leur accorder des lettres patentes pour cet établissement. Je n’ignore pas, Monsieur, la répugnance très bien fondée que Sa Majesté a de permettre que les communautés déjà trop nombreuses continuent à se multiplier. Mais il s’agit d’un cas unique et sans conséquence. Il importe beaucoup au service du Roy et de la religion que le clergé d’un si grand diocèse sur la frontière puisse s’élever et se former dans de bons sentimens… Il ne s’agit d’aucun intérêt que je veuille ménager pour ma personne. Il ne s’agit que du bien spirituel des sujets du Roy[1]. ».

Les soins de son diocèse, la correspondance toute spirituelle qu’il continuait d’entretenir avec les membres du petit troupeau, avec Chevreuse et Beauvilliers, avec la bonne duchesse (Mme de Beauvilliers), avec d’autres encore, absorbait-elle cependant tout entière cette âme ardente et agitée ? Déjà on en pourrait douter aux aveux qui lui échappent dans les écrits spirituels qu’il traçait à cette date, sans pensée de publicité, et où il laissait son âme s’épancher, en particulier dans ces Entretiens électifs dont quelques cris semblent d’une confession. « Jusqu’ici, ô mon Sauveur, s’écriait-il un jeudi-saint, je ne me suis point nourri de votre vérité. Hélas ! je ne l’ai point cherchée. Cette adoration en esprit et en vérité qui consiste dans la destruction de toute volonté propre pour laisser régner en moi celle de Dieu seul m’est encore presque, inconnue… Je vous sers, mon Dieu, mais à ma mode et selon les vues de ma sagesse. Je désire vous glorifier, mais avec un zèle qui n’est point abandonné sans réserve à toute l’étendue de vos desseins. Je veux vivre pour vous, mais renfermé en moi, et je crains de mentir à moi-même. Quelquefois je crois être prêt à tous les plus grands sacrifices et la moindre

  1. Dépôt de la Guerre, 1545, 20 janvier 1702. La lettre n’est pas autographe, mais signée seulement de la main de Fénelon : Fr. archevêque-duc de Cambrai.