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dépendaient des Pays-Bas. Les bruyantes réclamations de l’Empereur auxquelles aucune puissance n’avait voulu d’abord prêter l’oreille, trouvaient de l’écho en Hollande et en Angleterre. Un vent de guerre soufflait et arrivait jusqu’à Toulouse où se trouvait encore le Duc de Bourgogne. Aussitôt il s’empressait d’écrire au Roi : « Monseigneur le duc de Bourgogne, raconte Dangeau, écrivit ces jours passés au Roi une lettre très bien écrite par laquelle il supplioit Sa Majesté très instamment, s’il y avoit la guerre, de le faire servir afin qu’il pût se rendre digne de l’honneur qu’il avoit d’être son petit-fils. Le Roi a paru fort content de cette lettre[1]. » On aimerait savoir comment cette lettre était tournée, et sur quel ton le petit-fils écrivait à ce grand-père respecté et redouté. Malheureusement cette lettre, comme toutes celles adressées par le Duc de Bourgogne à Louis XIV, a été détruite par la Révolution ; mais nous avons celles qu’à cette même occasion le Duc de Bourgogne écrivit à Mme de Maintenon. Qu’il s’agît de faire régler par le Roi les dettes de jeu d’une jeune princesse ou de favoriser l’ardeur belliqueuse d’un jeune prince, c’était toujours par elle qu’il fallait faire passer la supplique, et elle demeurait la dispensatrice souveraine des grâces qui n’étaient pas toujours aussi mal placées par elle qu’on l’a dit. Désireux qu’il était de réussir, le Duc de Bourgogne n’avait garde de manquer à se servir de ce canal. Par trois fois il s’adressait à elle. La première lettre a dû être perdue. Cela ressort des termes mêmes de la seconde, qu’il lui faisait parvenir de Toulouse le 6 février :


« Je vous suis infiniment obligé, Madame, de la peine que vous avez à faire ce que je vous ai priée, puisque c’est une marque de votre amitié ; mais en même temps, je vous assure que vous ne pouvez m’en donner une plus grande qu’en achevant de résoudre le Roi à me permettre d’aller à la guerre, s’il y en a. Je viens de lui écrire une seconde lettre, pour le presser de nouveau, en cas qu’il n’ait pas encore pris son parti. Je vous conjure aussi de regarder en ceci mes intérêts et de passer par-dessus la peine que cela vous peut faire. Je suis ravi que vous ayez approuvé le style de ma première lettre au Roi : je l’ai faite tout de mon mieux, et, dans une occasion comme celle-ci, j’ai cru que je ne devois rien oublier. Je finis en vous suppliant, Madame, d’être

  1. Dangeau, t. VIII, p. 38.